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Millas : passages à niveau meurtriers
Cinq jours après la collision survenue le jeudi 14 décembre entre un TER et un car scolaire à Millas, dans les Pyrénées-Orientales, le bilan était très lourd : six enfants morts, dix-sept blessés, dont cinq collégiens dont le pronostic vital était encore engagé.
La collision s’est produite à un passage à niveau, l’un des 15 000 répartis sur l’ensemble du territoire. Les versions étaient contradictoires. Certains témoignages, dont celui de la conductrice du car, elle-même hospitalisée, affirment que les barrières étaient relevées, tandis que ceux relayés par la SNCF indiquent qu’il n’y aurait eu aucune défaillance du passage à niveau. Une enquête doit permettre de retracer les circonstances exactes de la catastrophe.
La SNCF a coutume d’incriminer l’inconscience des usagers, responsables selon elle de 98 % des accidents aux passages à niveau. Mais la véritable responsabilité est tout d’abord dans l’existence même des passages à niveau et dans leur niveau de sécurité. Plus d’une centaine de collisions se produisent et entraînent une trentaine de morts chaque année.
En juin 2008, une catastrophe similaire à Allinge, en Haute-Savoie, avait coûté la vie à sept enfants. Lors du procès de cet accident, RFF et SNCF avaient été condamnés pour ne pas avoir pris les dispositions suffisantes au regard de la dangerosité de ce passage à niveau. En effet, si une voiture met 80 mètres à s’arrêter à 100 km/h, un train a besoin, lui, d’un kilomètre. Le conducteur du train est donc incapable de freiner à temps s’il constate visuellement un obstacle ou un véhicule sur la voie. Il avait donc été décidé d’installer des détecteurs d’obstacle aux passages à niveau mais, près de dix ans après cet accident, le projet est toujours au stade de l’expérimentation.
Comme le reste du réseau, les passages à niveau nécessitent un entretien et une surveillance permanents. Mais les suppressions d’emplois ont là aussi entraîné une dégradation de la maintenance. Ainsi, sur des passages à niveau voisins de Millas, de nombreux témoignages ont fait état de dysfonctionnements répétés des barrières, des feux de signalisation. Et, dans bien des cas, l’existence même de passages à niveau est une aberration : ils devraient être supprimés et remplacés par des ouvrages d’art, ponts, tunnels ou dérivation.
Mais cela représente 3 à 15 millions d’euros par passage à niveau. Or seulement 40 millions ont été investis en 2017 dans la suppression des passages à niveau ou leur sécurisation. Résultat : seuls cinq passages à niveau seront supprimés en 2017, et 167 seront sécurisés. Une goutte d’eau.
Il avait fallu la catastrophe d’Allinge pour que le passage à niveau en question soit supprimé. Combien faudra-t-il de nouvelles catastrophes pour réaliser les travaux nécessaires ?