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Air France : les baisses d’effectifs et leurs conséquences
Lundi 16 octobre, une centaine de mécaniciens de piste, de magasiniers et autres travailleurs de la DGI (Maintenance) d’Air France ont débrayé à Roissy. Ils protestaient contre le manque d’effectifs, alors qu’ils ont pour tâche d’effectuer les interventions indispensables pour qu’un avion qui vient d’atterrir puisse redécoller en toute sécurité.
Cette situation n’est pas propre à la DGI. Au fil de divers plans de suppressions d’emplois, Air France n’a eu de cesse de réduire ses effectifs, au point de souvent manquer de personnel pour faire le travail, ce que même la hiérarchie doit parfois reconnaître.
À la DGI, qui emploie plusieurs milliers de salariés à l’entretien des avions, des moteurs et des équipements, la direction a bien été obligée de rouvrir un peu les embauches. Mais il n’y a pas que les effectifs qu’elle a écrasés, il y a aussi les salaires. Du coup, celui d’embauche est si bas qu’au CMR (Centre de maintenance hub de Roissy), où s’effectue l’entretien des avions en piste, sur 50 candidats ayant réussi les tests d’embauche, seuls cinq ont accepté d’intégrer Air France. Et encore : après avoir obtenu un salaire d’embauche revalorisé qui, du coup, dépasse un peu celui de salariés ayant la même qualification et des années d’ancienneté dans la compagnie.
C’est la preuve que comme les effectifs, les salaires à Air France sont insuffisants. C’est ce qu’ont tenu à dire les travailleurs de la DGI en débrayant. Et ce n’est peut-être pas fini.
En effet, au centre logistique Roissy, où sont dispatchés les équipements et pièces d’avion venant de tous les coins du monde, une pièce à remplacer peut ne mettre que deux jours à venir des ateliers de maintenance de Singapour, mais son traitement administratif (vérification des documents et normes de conformité) peut prendre 25 jours. Cela parce que, faute de personnel, les dossiers s’accumulent. Du coup, le montage de la pièce doit attendre, et l’avion concerné peut rester cloué au sol. C’est absurde ? Oui, mais pas plus que la prétention du grand patronat à gérer rationnellement toute la société.
En attendant, il est un domaine d’Air France où la pénurie de personnel pourrait avoir des conséquences bien plus graves : celui des tolérances techniques. Il s’agit des dysfonctionnements constatés mais considérés comme n’affectant pas la sécurité du vol, donc autorisant un avion à décoller avec des passagers à bord. Bien sûr, tout dépend de ce que l’on estime tolérable ou pas.
Faute de mécaniciens et techniciens pour effectuer les vérifications et dépannages, ces tolérances techniques d’exceptionnelles sont devenues courantes, notamment sur les Airbus 320. Et elles ne s’appliquent plus aux seuls circuits accessoires ou secondaires tels les éclairages ou la vidéo, mais à des circuits plus importants (carburant, directeur de vol), comme le dénonce le syndicat de pilotes SPAF.
Alors, quand un commandant de bord réclame une intervention avant de décoller, il n’est pas rare que la hiérarchie de la maintenance réponde : « On n’a personne à vous envoyer », sous-entendu : « Partez comme ça ! » S’il ne part pas, il aura à en répondre devant sa hiérarchie. À quoi s’ajoutent les pressions non explicites, mais bien réelles en termes de rémunération et de carrière, auxquelles s’exposent les pilotes qui ne se montreraient pas assez « tolérants ».
Pour les travailleurs d’Air France dans les hangars, les ateliers, en piste, dans les bureaux, les cockpits et cabines des avions (hôtesses et stewards, en nombre eux aussi réduits, sont tenus d’assurer la sécurité à bord), il est plus que temps que la compagnie embauche. Et ce ne sont pas les passagers qui y trouveraient à redire…