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Maroc : contre le chômage et la pauvreté mobilisation dans le Rif
Dimanche 11 juin, une manifestation a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes à Rabat, en soutien aux protestations des habitants de la région du Rif, qui durent depuis plusieurs mois.
Les manifestants, appelés par l’organisation islamiste Justice et bienfaisance ainsi que par des partis de gauche et d’extrême gauche, demandaient la libération de militants arrêtés lors des dernières manifestations à el-Hoceima, dans cette région située au nord-est du Maroc, et en particulier du plus connu d’entre eux, Nasser Zefzafi.
Celui-ci se voit reprocher d’avoir dit à un imam, qui venait de prononcer un prêche pour empêcher les manifestations, que les mosquées sont faites pour dieu et pas pour le makhzen (l’administration du roi). Près de 90 autres manifestants d’El Hoceima sont passés ces derniers jours dans les locaux de la police, plusieurs dizaines d’entre eux sont gardés à vue ou en attente de leur procès pour le motif grave d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État.
Le vrai motif de ces arrestations est la participation au mouvement de contestation du régime qui s’est développé dans le Rif depuis la fin de l’année 2016. Nasser Zefzafi en est l’un des dirigeants. Le mouvement a commencé après la mort en octobre 2016 de Mouhcine Fifri, un vendeur d’el-Hoceima broyé dans une benne à ordures en voulant sauver sa marchandise, des espadons, confisquée par la police car leur pêche était illégale. La vidéo où on le voit être broyé avait fait le tour des réseaux sociaux et provoqué la colère d’une grande partie de la population. Des manifestations ont été organisées pour exiger que justice soit faite. Des dizaines de milliers de personnes ont assisté à l’enterrement.
En début d’année 2017, les manifestations ont continué dans les villes de la région, à Nador ou el-Hoceima. Malgré la répression, la participation a augmenté. Les manifestants ont commencé par demander une vraie enquête concernant la mort de Mouhcine Fikri. Puis ils ont manifesté contre l’injustice de l’État et pour la création d’emplois, avec un salaire qui permette de vivre. Ils exigent aussi la construction d’un hôpital et d’une université dans cette ville de 200 000 habitants. Cela faciliterait l’accès aux soins des familles de milieu populaire et donnerait plus de chances d’étudier aux jeunes, et en particulier aux filles, car beaucoup de familles n’acceptent pas, par conservatisme ou par peur, d’envoyer leurs filles seules dans une grande ville.
Dans cette région connue pour d’anciens mouvements de rébellion contre les autorités coloniales, puis contre le pouvoir royal, les drapeaux amazigh (berbères) et les portraits d’Abdelkrim al-Khattabi (qui avait tenu tête aux forces armées coloniales dans les années 1920) ne sont pas rares dans les manifestations. Mais les motivations des manifestants sont avant tout sociales : le chômage est particulièrement fort dans cette région quasiment dépourvue d’industrie, où la pêche est en forte diminution, et qui n’offre souvent comme seule perspective que la culture du cannabis ou la contrebande. La pauvreté touche la majorité de la population, de même que le mépris des autorités. Les manifestants sont conscients que leurs revendications sont celles de bien d’autres Marocains, dans bien d’autres régions, et tiennent à s’adresser aussi à eux.
Les manifestations ont continué durant le ramadan, où elles ont eu lieu la nuit, à el-Hoceima ou dans la ville voisine. Des rassemblements ont aussi été organisés dans d’autres villes comme Rabat, Casablanca, Marrakech ou Fès. Le roi Mohamed VI, riche à milliards, laisse une grande partie de la population dans la pauvreté, et il est plus que légitime qu’il récolte la colère.