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Égypte : inflation, répression et… Rafale
La nouvelle ministre des Armées, Sylvie Goulard, s’est rendue au Caire le 5 juin pour représenter les intérêts des marchands de canons français. Le service après-vente concernant les 24 Rafale, la frégate Fremm et les deux porte-hélicoptères Mistral, pour plus de 6 milliards, demande en effet au minimum la visite de courtoisie d’un membre du gouvernement créancier, après l’élection du nouveau président.
Après l’Inde, l’Égypte est en effet le deuxième client pour ces engins de mort à 101 millions d’euros pièce, à égalité avec le Qatar. Entretenir les relations avec la clientèle, c’est ce qu’avaient fait Sarkozy et Hollande, c’est ce que continue Macron. L’ex-maréchal Sissi, qui dirige l’Égypte d’une main de fer, a d’ailleurs fait état d’une conversation téléphonique au cours de laquelle Macron lui-même, présentant comme il se doit ses condoléances suite à l’attentat de Daech contre les chrétiens coptes d’al-Minya, aurait mentionné l’urgence de la coopération entre les deux pays face au terrorisme.
En fait, les 30 morts d’al-Minya ont surtout servi d’occasion aux deux chefs d’État pour renouveler les paroles hypocrites qui recouvrent un renouvellement d’alliance diplomatique. Dans le jeu du Moyen-Orient, la bourgeoisie française tient à garder en main une carte égyptienne, comme elle le fait depuis longtemps, en concurrence avec la Grande-Bretagne et bien sûr les États-Unis. L’évolution des rapports de force entre puissances régionales exige cette réaffirmation, du point de vue des intérêts de l’impérialisme français.
Mais, du point de vue des intérêts des 90 millions d’Égyptiens, la visite de la ministre a dû passer d’autant plus inaperçue que les préoccupations sont ailleurs : l’inflation a atteint en avril le taux de 33 %, et 44 % pour les produits alimentaires, auxquels la majeure partie des familles populaires consacrent près de la moitié de leurs revenus. La récente mise en place de la TVA et la baisse des subventions sur les carburants ont aggravé le problème, et il est question, pour répondre aux demandes de réformes du FMI, d’une nouvelle diminution de ces subventions.
Il n’est donc pas étonnant que, fréquemment, des travailleurs entrent en lutte pour réclamer des salaires en retard ou bien des renouvellements de contrats avec davantage d’heures. Le 4 juin, 32 travailleurs de la Compagnie des ciments de Tourah, au sud du Caire, ont été condamnés à trois ans de prison au cours d’un simulacre de jugement. Ils avaient participé depuis le 15 mai à des sit-in pour des contrats à plein temps. Une pétition de soutien, présentée par plusieurs syndicats indépendants du pouvoir et quelques personnalités de l’opposition politique, circule tant bien que mal. Une loi d’août 2015 « contre le terrorisme » favorise la répression des manifestations, et permet en particulier de qualifier de criminelle toute grève ouvrière. L’interdiction récente d’accéder à un site Internet d’information indépendant du pouvoir, celui de Mada Masr où les débrayages et protestations ouvrières étaient relatées, va dans le même sens.
Cela n’empêche apparemment pas Mme Goulard de dormir et encore moins de faire faire des affaires à Dassault, DCNS et Thales.