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Dans le monde
Tchétchénie : le pouvoir fait la chasse aux homosexuels
Un des rares journaux russes non inféodés au Kremlin, Novaïa Gazeta, vient de lever le voile sur la campagne de terreur lancée contre les homosexuels par les autorités de Grozny, capitale de la Tchétchénie, qui fait partie de la Fédération de Russie. En deux mois, les sbires du régime ont raflé des centaines d’entre eux, les ont internés dans des prisons secrètes et centres de torture ; au moins trois d’entre eux auraient ainsi déjà été tués.
Le président local, Kadyrov, un chef de bande indépendantiste rallié au Kremlin, règne par la terreur. Après la seconde guerre de Tchétchénie, que Poutine avait déclenchée en 2000 pour asseoir son pouvoir, il a donné carte blanche à Kadyrov pour tenir sa république. Mission accomplie : grâce à ses bandes armées, le tyran a éliminé tous ceux qui le contestaient et fait vivre la population dans une peur permanente.
Autre pilier de son régime : le retour en force de l’islam et de pratiques d’un autre âge, impulsé avec l’aval de Moscou. Kadyrov a rétabli la charia et impose aux femmes une oppression légalisée : code vestimentaire obligatoire, mariages forcés, polygamie, meurtres impunis car prétendus crimes d’honneur, en cas de relations hors mariage…
C’est encore dans le sang qu’a été lavé « l’honneur » du clan de certains homosexuels : leurs bourreaux ont « respecté la tradition » en les livrant à leur famille pour qu’elles les mettent à mort.
À Grozny, le porte-parole de Kadyrov a d’abord parlé à propos de ces faits de calomnies, puis a affirmé qu’ils ne pouvaient avoir eu lieu car « il n’y a pas d’homosexuels en Tchétchénie » et enfin que, si cela était, « ils méritaient d’être tués ».
Le dictateur tchétchène n’a pas à craindre que les autorités fédérales lui cherchent noise. En effet Moscou se borne à conseiller à ses victimes de porter plainte. Auprès de leurs bourreaux ? Ou auprès de la justice russe, qui laisse Kadyrov faire la loi de façon expéditive ?
En Russie, pareille barbarie n’a pas place, officiellement. Mais le régime russe cherche aussi à imposer une morale rétrograde. Il multiplie les entraves au droit à l’avortement, il laisse sans broncher des responsables de l’Église orthodoxe prôner un code vestimentaire pour les femmes et laisser entendre que le retour des mutilations sexuelles féminines pourrait préserver leur vertu. Il y a peu, Poutine a fait voter une loi qui dépénalise les violences domestiques, dont meurent chaque année des milliers de femmes. Et en 2012, il a pénalisé la « propagande à l’encontre de mineurs concernant les relations sexuelles non traditionnelles », entendez l’homosexualité, et depuis il mène régulièrement campagne sur ce thème à l’école et dans les médias.
Entre les crimes de Kadyrov et la politique rétrograde de son protecteur Poutine, on mesure la régression qui s’abat sur la population de la Russie, un siècle après que la révolution d’Octobre 1917 avait, pour la première fois dans un pays moderne, à vaste échelle et de façon durable, aboli la pénalisation de l’homosexualité et donné aux femmes des droits sans précédent.