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Mélenchon : un patriote professionnel
Jean-Luc Mélenchon dit aujourd’hui ce qu’il disait déjà lors de la campagne présidentielle de 2012. Depuis qu’il est sorti du PS, il pose au Mitterrand du 21e siècle. Mais la forme de son discours, le vocabulaire et le décorum ont évolué dans un style de plus en plus cocardier.
« L’humain d’abord » s’est transformé en « France insoumise ». Aucun de ces slogans n’a de sens, mais désormais la référence patriotique est évidente. Les militants ont été priés de ranger les drapeaux rouges. On ne doit plus voir que des drapeaux tricolores, encore plus nombreux que chez Fillon ou Le Pen. L’Internationale n’est plus guère chantée dans les meetings de Mélenchon, la Marseillaise seule ayant droit de cité. L’amour de la patrie est déclamé sur tous les tons, accommodé à toutes les sauces.
Mélenchon sait ce qu’il fait. Le drapeau rouge fut adopté par le mouvement ouvrier pour symboliser l’opposition irréconciliable entre travailleurs et exploiteurs. Le chant de l’Internationale exprime le fait que les travailleurs du monde entier forment une seule classe sociale, ses couplets sont un manifeste révolutionnaire. Mélenchon, respectable politicien républicain, ne se revendique certes pas de ces idées. Désormais, il interdit à ceux qui le soutiennent d’en arborer la couleur, voire même de s’en souvenir. Il leur demande de faire au contraire la démonstration bruyante qu’ils sont des partisans de l’union nationale derrière « la France », ce qui signifie mettre les travailleurs sous la coupe des exploiteurs.
Les militants du PCF qui soutiennent Mélenchon auraient tort de s’étonner de ces démonstrations patriotiques. Comme l’a opportunément rappelé leur dirigeant, Pierre Laurent, le PCF s’est engagé sur cette voie depuis bien longtemps. Et en effet, lorsque le PCF devenu stalinien a voulu montrer à la bourgeoisie française qu’elle n’avait rien à craindre de lui, il a sorti le drapeau tricolore. Il l’a fait bien démonstrativement, en 1936 et en 1944-47 particulièrement, quitte à déclarer hypocritement qu’il ne voyait pas d’inconvénient à mêler les plis du drapeau tricolore avec ceux du drapeau rouge.
La direction du PCF a ainsi de longue date pavé la voie à tous ceux, de Mélenchon à Le Pen, qui professent l’union nationale en prétendant qu’elle est une garantie pour les travailleurs. En intimant aux militants du PCF l’ordre de ranger les drapeaux rouges et l’Internationale au magasin des antiquités, Mélenchon ne leur fait faire qu’un pas de plus.
Mélenchon se sert aujourd’hui du nationalisme pour ratisser des voix à droite et stériliser tout ce qu’il peut y avoir de revendicatif parmi ses soutiens. Élu, il s’en servirait pour imposer des sacrifices aux travailleurs. Cela s’est fait à toutes les époques, depuis les usines où il fallait se tuer au travail pour reconstruire le pays, jusqu’aux tranchées où il fallait mourir pour la patrie. C’est à ce char-là que Mélenchon, comme tous les nationalistes, voudrait attacher les travailleurs, avec l’aide de la direction du PCF.