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Leur société
Fessenheim : manœuvres autour d’une centrale
Le 6 avril, le conseil d’administration d’EDF a entériné le principe de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, tout en la reportant après l’ouverture de l’EPR de Flamanville et sous réserve que les autres centrales soient alors en état de produire le maximum d’électricité d’origine nucléaire autorisé par la loi.
La direction d’EDF, à qui la centrale rapporte entre 200 et 400 millions d’euros par an, veut en fait gagner du temps, en espérant que le prochain locataire de l’Élysée revienne sur la décision. Fessenheim est de fait devenu un enjeu de la campagne présidentielle, entre les candidats qui prétendent réduire la part du nucléaire, voire en sortir d’ici vingt-cinq ans, comme Hamon ou Mélenchon, et ceux qui veulent maintenir la filière nucléaire française, comme Fillon ou Le Pen.
Les uns et les autres prétendent défendre qui les riverains, qui les générations futures, qui l’emploi ou l’indépendance énergétique de la France. Ce sont de fieffés hypocrites.
C’est par ses interventions militaires que l’État français garantit l’importation de l’uranium du Niger. Ceux qui invoquent l’emploi ne sont gênés ni par les milliers de suppressions de postes en cours chez EDF, ni par le recours à la sous-traitance, ni par l’exploitation qui règne sur le chantier de construction de l’EPR. Quant aux politiciens qui promettent la sortie du nucléaire, s’ils tiennent leur promesse, ils verseront des milliards d’indemnités aux capitalistes du secteur, comme l’a fait le gouvernement d’Angela Merkel en Allemagne, et des subventions à ceux, souvent les mêmes, qui prospèrent dans les énergies renouvelables. Plus sûrement encore, comme Hollande avec Fessenheim, ils tergiverseront, entretenant les craintes de la population face aux dangers des centrales et celles des salariés inquiets pour leur emploi.
Si les travailleurs d’EDF ou les sous-traitants du nucléaire ont bien raison d’être inquiets, ils ne peuvent compter ni sur les dirigeants politiques qui se posent en champion de la filière, ni sur la direction d’EDF pour défendre leur emploi.
La défense à tout prix du nucléaire, même sous la forme d’un service public de l’électricité sous le contrôle de l’État, comme le réclament les syndicats d’EDF, n’est pas plus une garantie. Quand EDF était entièrement publique, la filière nucléaire servait déjà de vache à lait à une multitude de capitalistes privés. Le recours à la sous-traitance et la dégradation des conditions de travail ont débuté bien avant la privatisation partielle. L’exemple de Fukushima montre quelles multiples complicités peuvent exister entre l’État et les capitalistes quand il s’agit de mentir aux salariés ou à la population.
À l’inverse, le démantèlement des centrales nucléaires les plus anciennes, qu’il faudra bien réaliser un jour, avec ou sans sortie du nucléaire, qui prendra des années et exigera les compétences des travailleurs du nucléaire, pourrait permettre de maintenir tous les emplois. Mais aucun des dirigeants politiques qui prônent la sortie rapide du nucléaire n’en fait un préalable, car ils partagent le même mépris pour les travailleurs. Dans ce domaine aussi ceux-ci devront imposer la garantie des emplois et des salaires.