Turquie-Europe : concours de démagogie16/03/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/03/2537.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie-Europe : concours de démagogie

Des réunions de propagande du parti du président turc Erdogan, où des ministres de son parti, l’AKP, devaient prendre la parole, ont été annulées, voire interdites dans plusieurs pays d’Europe, et les orateurs refoulés. Après l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, cela a été le cas des Pays-Bas.

La réaction d’Erdogan, criant au nazisme et rompant les relations diplomatiques avec La Haye, s’inscrit dans une stratégie de rassemblement de ses électeurs potentiels à l’occasion du futur référendum constitutionnel en Turquie.

Comptant sur le succès du référendum du 16 avril pour intensifier sa mainmise sur le pouvoir en Turquie, Erdogan se livre à une propagande effrénée pour le oui, d’autant plus que, selon les milieux de l’opposition, le non l’emporterait, y compris parmi les partisans de l’AKP. En supprimant le poste de Premier ministre et en autorisant le président à intervenir directement dans le domaine judiciaire, la révision constitutionnelle le mettrait en outre à l’abri des poursuites et lui permettrait de rester au pouvoir jusqu’en 2029. La propagande d’Erdogan vis-à-vis des résidents turcs des pays européens, censée amener ces derniers à participer nombreux au référendum en approuvant la réforme, se satisfait assurément des interdictions plus ou moins gênées qu’ont rencontrées les organisateurs.

Après les réunions annulées par les municipalités en Allemagne, puis en Autriche et en Suisse, les autorités néerlandaises ont adopté la même attitude, et ce d’autant plus fermement que des élections législatives devaient s’y dérouler le 15 mars. Rivalisant de démagogie nationaliste avec son rival d’extrême droite, le parti conservateur au pouvoir aux Pays-Bas, dans un calcul électoral lamentable, s’est empressé de reconduire à la frontière les ministres turcs venus prendre la parole. Le gouvernement français, en revanche, a autorisé la tenue d’une de ces réunions à Metz le 12 mars, ce qui lui a valu des protestations, tant de la part de Fillon que de Le Pen et Macron, sans oublier Dupont-Aignan.

Certes, les intentions politiques d’Erdogan sont claires : il fait tout pour renforcer sa quasi-dictature sur la population turque, après avoir éliminé ou neutralisé ses opposants à la suite du coup d’État manqué de juillet dernier. En huit mois, plus de 120 000 fonctionnaires ont été licenciés, plus de 71 000 arrestations ont eu lieu, des milliers restent en prison. Chaque semaine on apprend l’arrestation ou la suspension de plusieurs dizaines de policiers, de militaires. Des enseignants sont licenciés sans indemnités, dans le cadre de l’état d’exception, ou arrêtés sous l’accusation de sympathies pour les « terroristes » gülénistes ou kurdes.

Mais les gouvernements occidentaux qui refusent la tenue de réunions de l’AKP sur leur territoire ne reculent pas non plus devant les manipulations électorales. Les élections américaines n’ont-elles pas donné lieu à des rassemblements à l’appel du Parti démocrate, comme à Berlin l’an dernier, ou du Parti républicain ? Une Nuit des élections a même été organisée à Toulouse en novembre, pour suivre les résultats en direct. Quant à Fillon, Macron, Le Pen et Hamon, candidats à la prochaine présidentielle en France, n’ont-ils pas fait la tournée des électeurs potentiels à Londres, à Berlin, à Beyrouth ? Les Fillon, Le Pen et autres n’ont pas de problème avec la dictature d’Erdogan, ils saisissent juste l’occasion de flatter les sentiments réactionnaires et xénophobes, voire jouent la carte du racisme et de l’anti-islam.

Et, sur ce plan, leur démagogie fait la paire avec les envolées antioccidentales d’Erdogan qui, au passage, n’oublie pas de faire du chantage avec la vie des réfugiés en route vers l’Europe, en menaçant de ne plus les arrêter en Turquie.

Partager