Turquie : Erdogan se sent menacé08/03/20172017Journal/medias/journalnumero/images/2017/03/2536.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Erdogan se sent menacé

Le 5 mars, lors d’un meeting à Istanbul, le président turc Erdogan s’en est pris au gouvernement allemand. Il lui a reproché l’annulation dans trois grandes villes d’Allemagne de plusieurs meetings où des ministres turcs devaient intervenir. Il s’agissait de convaincre les résidents turcs de voter oui lors du référendum organisé par Erdogan le 16 avril prochain. Provocateur, Erdogan n’a pas hésité à comparer l’attitude du gouvernement Merkel aux pratiques des nazis.

Depuis le putsch militaire avorté du 15 juillet, Erdogan gouverne, ou plutôt règne, sans respecter ni lois ni Constitution. Il souhaite donc, ni plus ni moins, modifier celle-ci afin de mettre en place un régime ultraprésidentiel lui garantissant les pleins pouvoirs. Il pourrait ainsi gouverner seul par décrets, décider du budget, déclarer l’état d’urgence, nommer les ministres, les hauts fonctionnaires, la moitié des membres de la Cour constitutionnelle, etc. Il serait également commandant en chef de l’armée et maître des services secrets. On entend dire qu’il serait le nouveau sultan. Au passage, il pourrait ainsi également se mettre à l’abri de poursuites judiciaires qui le menacent.

Las, Erdogan est de moins en moins sûr que le oui l’emportera lors du référendum organisé pour approuver cette réforme constitutionnelle. Les effets de l’aggravation de la crise économique pour la population, la dévaluation de 25 % de la livre turque par rapport au dollar et à l’euro, se traduisent par la chute du pouvoir d’achat et par des faillites à la chaîne pour des milliers de petits commerçants, hier encore inconditionnels d’Erdogan. Ainsi, ces dernières semaines, presque tous les sondages donnent le non gagnant, à tel point qu’Erdogan souhaite « pour l’instant les laisser de côté ». À court d’arguments convaincants pour le oui, il recourt à un amalgame selon lequel voter non signifierait voter « avec les terroristes (kurdes) du PKK, et avec les assassins de la bande de Gülen ». Il est en cela relayé jour après jour par les médias, les seuls qui subsistent lui étant entièrement dévoués. Les médias d’opposition ont été muselés, 151 journalistes emprisonnés et 2 500 licenciés, dans l’impossibilité de retrouver du travail.

C’est dans ce contexte que, en février, le correspondant germano-turc du quotidien allemand conservateur Die Welt a été arrêté et emprisonné sous l’accusation de complicité avec le PKK, donc lui-même « terroriste ». Les protestations du gouvernement allemand n’ont abouti qu’à faire monter Erdogan d’un ton. Les autorités allemandes ont donc décidé de ne pas autoriser les meetings électoraux d’Erdogan et de ses ministres sur leur territoire où, depuis deux ans, les Turcs expatriés en Europe sont appelés à participer aux scrutins organisés en Turquie. Craignant de perdre le référendum, Erdogan espère que quelques dizaines de milliers de voix des Turcs d’Allemagne fassent basculer le résultat.

Devant la dégradation de la situation générale, et toujours dans la crainte d’un coup d’État militaire, Erdogan et son gouvernement brandissent maintenant la menace d’une guerre civile si le non l’emportait. Il n’est pas sûr que ces menaces et ces mises en scène destinées à attiser la peur et à se présenter comme l’unique rempart suffisent à sauver l’opération politique d’Erdogan.

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