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Dans le monde
Grande-Bretagne : avant même le Brexit, profits records et baisse du pouvoir d’achat
Après environ quatre mois de procédure, la Cour suprême britannique a finalement donné tort au Premier ministre Theresa May : avant d’invoquer l’article 50 du traité de Lisbonne qui régit la procédure de retrait d’un État membre de l’Union européenne, ce qu’elle prévoyait de faire fin mars, May devra obtenir l’aval du Parlement.
Cela changera-t-il quelque chose au Brexit ? Rien d’essentiel a priori. Car, malgré sa rhétorique pseudo-radicale, le leader travailliste Jeremy Corbyn a d’ores et déjà annoncé que son parti ne ferait pas obstacle à cette procédure, au nom du respect de la volonté souveraine du peuple. Et tant pis pour les 72 % de l’électorat qui n’ont pas voté pour le Brexit lors du référendum du 23 juin dernier !
Néanmoins, ce jugement pourrait bien se révéler embarrassant pour May. Car, si elle est certaine d’obtenir le soutien du Parlement, cela pourrait bien être au prix d’amendements lui imposant une certaine transparence dans les négociations. Or c’est bien cela qu’elle voulait éviter, à la fois pour se protéger contre les surenchères xénophobes qui secouent toujours son propre parti et pour ne pas prêter le flanc aux critiques des partis d’opposition, tout en défendant les intérêts du capital britannique.
C’est justement pour ces raisons qu’à ce jour May s’est bien gardée de dévoiler ses intentions. Au point que l’hebdomadaire du monde des affaires The Economist lui a décerné le sobriquet de « Theresa Maybe » (maybe signifiant peut-être en anglais) et l’Oscar de l’indécision de l’année.
Sans doute la presse internationale a-t-elle voulu voir dans son discours de Davos du 17 janvier une prise de position en faveur d’un Brexit dur. Mais en réalité, comme dans tous ses discours précédents, on pouvait y trouver à peu près tout et son contraire. D’un côté, May a offert une lapalissade aux acharnés du Brexit en précisant que le fait de quitter l’UE impliquait de quitter son union douanière. De l’autre, elle a tenté de rassurer les adversaires du Brexit en affirmant son désir de voir l’UE prospérer. Enfin, pour calmer les inquiétudes des milieux d’affaires britanniques, elle s’est prononcée pour un « bon accord pour la Grande-Bretagne mais aussi pour l’UE ».
Tout cela est sans doute en grande partie de la langue de bois diplomatique. Mais pas seulement. D’abord parce que les ténors de la finance britannique, très présents à Davos, discutaient tout à fait ouvertement du transfert de dizaines de milliers d’emplois de Londres vers les capitales européennes, à titre de précaution. Mais aussi parce que, comme dans chacun de ses discours précédents, May a tenu à ajouter un couplet promettant de s’attaquer aux inégalités « inacceptables » qui existent en Grande-Bretagne, ou encore de remédier à la situation catastrophique de nombreux retraités.
Bien sûr, ces bonnes paroles adressées aux classes laborieuses ne sont que du vent. Mais elles cherchent à répondre à un mécontentement populaire qui pourrait bien finir par s’exprimer. Car l’ensemble du système de protection sociale continue à se dégrader du fait des réductions budgétaires, tandis que la pauvreté et la précarité du travail continuent à s’étendre. Comme seul dividende du Brexit, les classes populaires doivent se contenter des hausses de prix dans les supermarchés, du fait de la dégringolade du cours de la livre depuis juin dernier.
Et tout cela alors que, dans le même temps, les cours de la Bourse de Londres battent des records historiques. Pour une raison bien simple d’ailleurs : les 100 plus grandes entreprises qui constituent l’essentiel de la capitalisation de la Bourse réalisent plus des trois quarts de leur chiffre d’affaires en euros et en dollars. Du coup, leurs bénéfices exprimés en livres augmentent, en même temps que leurs dividendes : pour le seul troisième trimestre 2016, les dividendes versés ont augmenté de 2,5 milliards de livres par rapport à l’année précédente, soit une hausse de 10 % ! Pendant ce temps, les 20 % de foyers les plus pauvres ont toujours un revenu moyen inférieur à ce qu’il était en 2007.
Alors, oui, la classe ouvrière aurait toutes les raisons de se sentir flouée par les démagogues qui l’ont entraînée sur le chemin du Brexit et d’être révoltée par l’insolence avec laquelle les capitalistes tirent leur épingle du jeu. De même qu’elle aurait toutes les raisons de vouloir le leur faire payer, pour ne pas avoir à en faire les frais elle-même. On n’en n’est pas encore là, sans doute. Mais c’est certainement ce que l’on peut souhaiter.