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Editorial
Trump, Le Pen et les charlatans du protectionnisme
Il a suffi à Trump, qui n’est pas encore investi comme président, de faire quelques tweets sur l’industrie automobile, pour se faire applaudir de ce côté-ci de l’Atlantique. Marine Le Pen l’a ainsi salué pour « la démonstration qu’on peut […] imposer, dans l’intérêt du peuple américain, la relocalisation d’activités industrielles ». Montebourg a affirmé sans rire : « Donald Trump reprend mes thèmes. » Et Mélenchon a déclaré qu’il se réjouirait « de négocier avec un homme pareil ».
De quoi s’agit-il ? Après des menaces de Trump, qui a fait campagne contre les délocalisations, Ford a dit qu’il renonce à construire une usine au Mexique et qu’il investira au contraire dans le Michigan. Trump a également mis en garde General Motors pour des investissements au Mexique.
Trump est un charlatan et Le Pen lui fait une publicité mensongère. En réalité, Ford avait pris sa décision avant les élections. Et rien ne dit que la multinationale créera des emplois aux États-Unis : ces dernières années, les constructeurs ont augmenté leur production sans embaucher. Ce n’est pas Ford qui cède à Trump, mais Trump qui déroule le tapis rouge aux grandes firmes capitalistes. Car s’il a menacé de taxer les produits fabriqués à l’étranger, il a surtout annoncé qu’il réduira le taux d’impôt sur les sociétés de 35 % à 15 %. Autrement dit, il s’apprête à faire des États-Unis un grand paradis fiscal.
La baisse de l’impôt sur les sociétés sera compensée par une hausse de la fiscalité pour les travailleurs, ou alors l’État taillera dans les programmes de santé, d’aide sociale ou d’équipements utiles à la population. Trump promet aussi d’alléger les contraintes en matière de pollution, ce qui permettrait aux firmes automobiles d’économiser des milliards et aurait des conséquences néfastes sur la santé publique.
Aujourd’hui, le protectionnisme nous est vendu comme une protection pour les travailleurs. Chaque période de crise voit ressurgir ce type de boniment. Si la France devenait protectionniste, les autres pays européens le seraient à leur tour, entraînant ici une hausse des prix pour les consommateurs, et le chômage pour des centaines de milliers de salariés qui travaillent à l’exportation. Dans les années 1930, la montée du protectionnisme aggrava la crise. Et la guerre économique prépara la guerre tout court.
L’économie a complètement internationalisé la production. Un Airbus A380 est assemblé à Toulouse avec trois millions de pièces fabriquées dans 77 pays, dont des pièces essentielles fabriquées… aux États-Unis ! Cela illustre l’absurdité de prétendre produire français. Et même les protectionnistes les plus stupides ne proposent pas de fabriquer des avions 100 % Haute-Garonne, de cultiver le coton et le cacao en Picardie, ni d’extraire l’uranium dans le Massif central. Quant à acheter français, est-ce acquérir une Toyota Yaris fabriquée dans le nord de la France ou une Citroën C3 assemblée en Slovaquie ?
Le protectionnisme consiste à protéger les intérêts des capitalistes, donc en premier lieu contre les travailleurs, au nom de la compétitivité. Le Pen veut ainsi mettre fin à la durée légale du travail, se dit opposée au tiers-payant généralisé, veut supprimer des postes de fonctionnaires et prend le parti des entrepreneurs.
Le problème n’est pas la mondialisation, c’est le capitalisme ! Ce que les travailleurs doivent protéger, c’est leur travail, ce sont leurs salaires et leurs retraites.
Mettre fin au chômage, cela ne peut se faire qu’en répartissant le travail entre tous sans perte de salaire et, bien sûr, en interdisant aux grandes entreprises les plans de suppressions d’emplois et les licenciements.
Pour protéger le niveau de vie, il faut non seulement qu’aucun travailleur ne gagne moins de 1 800 euros net par mois, mais que les salaires, les pensions et les allocations soient indexés sur la hausse réelle des prix.
Et pour empêcher les capitalistes de maquiller leur comptabilité, ce qui leur permet de justifier les licenciements tout en arrosant les actionnaires, il faut que les travailleurs contrôlent les comptes des entreprises. Il faut lever le secret des affaires, le secret commercial et bancaire.
Voilà des exigences pour le monde du travail, que ni Le Pen, si respectueuse de l’ordre capitaliste, ni aucun des charlatans du protectionnisme ne reprendront. Des exigences que notre candidate, Nathalie Arthaud, portera dans l’élection présidentielle.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 9 janvier 2017