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- Lutte ouvrière n°2527
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Leur société
Syndicalisme : le fléau de la collaboration de classe
La mort de François Chérèque, qui fut à la tête de la CFDT de 2002 à 2012, a entraîné de la part de toute la classe politique, de gauche à droite, une avalanche intéressée d’éloges « au réformiste », « au syndicaliste qui rejetait la lutte de classe et la remplaçait par le dialogue », etc. La droite, Fillon en particulier, tenait à le remercier de l’avoir aidé, en tant que dirigeant de la CFDT, à faire passer la réforme des retraites en 2003, prélude à la fin de la retraite à 60 ans.
Les travailleurs, eux, n’ont évidemment aucune raison de le féliciter pour cette collaboration qui fait reculer les droits des salariés, une politique que la CFDT revendique ouvertement, même si elle n’est pas le seul syndicat à la pratiquer.
Il faut avoir une vision très orientée en faveur du patronat et des capitalistes pour parler de réformes et de réformisme, quand il s’agit en réalité de remettre systématiquement en cause les quelques protections qui avaient été concédées au monde du travail avant la crise. Ce que le patronat et les gouvernants, de droite comme de gauche, appellent le dialogue social, n’est rien d’autre que la complicité des dirigeants syndicaux et du patronat contre les intérêts de classe des travailleurs. L’exemple le plus récent de cette complicité a été, malgré l’hostilité d’une majorité de la population et surtout des travailleurs, l’aval et l’appui apportés par la CFDT à l’adoption, au passage en force, faudrait-il dire, de la loi travail en 2016.
Depuis longtemps, la CFDT revendique haut et fort ce rôle d’accompagnement des volontés du patronat, ce qu’elle nomme un dialogue constructif. En fait, déjà depuis 1973, avec Edmond Maire, suivi par Nicole Notat, François Chéréque et aujourd’hui Laurent Berger, la direction de cette confédération a, pourrait-on dire, la franchise de ces choix, opposés aux intérêts des travailleurs. Mais, de manière moins ouverte, chacune des grandes confédérations syndicales le fait aussi à sa façon, sans le claironner en permanence comme la direction de la CFDT. Toutes entendent être « considérées comme de véritables partenaires » par le patronat et les gouvernants.
Mais de quel partenariat peut-il être question ? Les dirigeants syndicaux savent bien dans quelle situation la société se trouve : en pleine guerre sociale menée par la grande bourgeoise pour arracher des reculs au monde du travail pour garantir et, si possible, accroître ses profits. Le seul rôle que le patronat et les gouvernants, quels qu’ils soient, veulent bien concéder aux bureaucraties syndicales, c’est d’être leurs porte-parole auprès d’eux, c’est de défendre auprès des travailleurs les sacrifices que le patronat veut imposer, en l’aidant au besoin à y parvenir. Voilà à quoi se résume le syndicalisme dit de dialogue. Des générations de travailleurs qui s’opposaient à l’exploitation capitaliste se sont battus contre ces méthodes.
Pour les militants ouvriers conscients des intérêts de leur classe, les militants socialistes puis communistes qui ont construit ces syndicats de lutte, le syndicat devait être l’école de la classe ouvrière. C’est là où, comme le disait Pelloutier, elle « apprenait la science de ses malheurs ». C’est là où il s’agissait de donner aux exploités la fierté d’appartenir au monde du travail, avec la conscience que c’est la classe ouvrière qui mettra fin à l’exploitation capitaliste et construira une société nouvelle, plus fraternelle, plus juste, sans exploitation ni guerre, qui donnera à chacun selon ses besoins.
Ce syndicalisme-là ne prônait pas la collaboration de classe, mais la lutte de classe. Il avait des militants ouvriers qui, dans chaque lutte, cherchaient à renforcer la confiance des travailleurs dans leur capacité à abattre le vieux monde. Face à la faillite du syndicalisme de collaboration de classe, dont Chérèque se voulait un héraut, avec d’autres, ce sont ces valeurs et ce syndicalisme de combat dont la classe ouvrière a un besoin urgent.