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Russie : un secteur aérien dégradé comme l’économie
Le 25 décembre, un avion de ligne russe se rendant en Syrie s’est abîmé en mer, juste après avoir décollé de Sotchi. On ne compte aucun survivant sur les 92 personnes se trouvant à bord. Parmi elles se trouvaient 60 membres de l’ensemble Alexandrov, un des deux groupes se produisant partout dans le monde sous le nom de Chœurs de l’Armée rouge : une institution militaro-musicale dont la renommée est mondiale, les autorités en ayant fait leur ambassadrice grand public depuis Staline.
Coïncidence, deux ans plus tôt, dans cette ville de Sotchi, ces Chœurs – qui ne sont de l’Armée rouge que pour le public occidental, car en Russie on les présente comme ceux de l’Armée russe – avaient joué lors de l’inauguration des JO d’hiver.
Aussitôt connu l’accident, le président Poutine a nommé une commission d’enquête, dirigée par le Premier ministre Medvedev, et décrété un jour de deuil national.
Ce drame tombe on ne peut plus mal pour le Kremlin. Il voulait organiser un grand spectacle en Syrie, précisément avec ce chœur, pour célébrer la reprise d’Alep par le régime et surtout le rôle joué par l’armée russe. Le tout devait être retransmis par les chaînes de télévision russes, comme précédemment le concert organisé à Palmyre sur fond de ruines antiques… quelques mois avant que Daech ne reprenne la ville, ce dont le Kremlin ne s’est bien sûr pas vanté.
Le régime russe, pour qui les opérations en Syrie sont une vitrine de ce qui serait la puissance retrouvée de la Grande Russie, va répétant qu’il « ne craint personne ». C’est avec ces mots que Poutine a commenté la prolongation des sanctions décidées par les États-Unis contre Moscou. Ces derniers jours, il a aussi annoncé un renforcement de son armement nucléaire, afin que la Russie reste une puissance militaire de premier rang.
Même si les bombardements russes à Alep ont été bien réels, les roulements de muscles de Poutine tiennent surtout du bluff. En effet le budget militaire russe est dix fois plus faible que celui des États-Unis et l’État russe n’a guère les moyens des ambitions affichées par Poutine : à la suite de la crise mondiale de 2008 et des sanctions occidentales, ses finances sont notoirement au plus bas.
Il aura fallu qu’un avion tombe en vol pour que les vantardises du régime en prennent un sérieux coup.
Ainsi l’avion du drame, un Tupolev-154, un modèle datant de 35 ans, est d’une sécurité si douteuse qu’il n’est plus autorisé à atterrir dans nombre de pays développés. Il faut rappeler qu’en 2010 un Tu-154 s’était déjà écrasé près de Smolensk, causant la mort de dizaines d’officiels polonais invités par la Russie, dont le président Kaczynski.
Régulièrement, la chronique du transport aérien russe fait état d’accidents, sinon de catastrophes : une bonne partie de la flotte aérienne est obsolète, peu entretenue, mal organisée, le fonctionnement des aéroports laisse à désirer. L’ex-président de Total, Margerie, en a subi les conséquences en trouvant la mort à bord de son propre appareil sur le principal aéroport du pays. Le secteur aérien de la Russie est à l’image de son industrie et de son économie, dont la majorité des équipements et infrastructures datent d’avant la disparition de l’Union soviétique, il y a 25 ans.
Les autorités ont évacué d’emblée l’hypothèse d’un attentat, qui aurait rappelé le cas, en octobre 2015, du charter russe qui avait explosé au-dessus de l’Égypte, et le laxisme des contrôles aéroportuaires que cela avait mis en lumière. Alors, le comité d’enquête se concentre sur la piste d’une panne technique ou d’une défaillance humaine. Quelle que soit la cause réelle de cette catastrophe, cette dernière hypothèse a la préférence du Kremlin et les enquêteurs cherchent donc activement, comme à chaque fois, des lampistes à incriminer.