Congo-RDC : Kabila s’accroche au pouvoir28/12/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/12/2526.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Congo-RDC : Kabila s’accroche au pouvoir

Lundi 19 décembre aurait dû être le dernier jour de Joseph Kabila à la présidence de la République démocratique du Congo, mais depuis longtemps on savait qu’il n’en serait rien. Bafouant la Constitution qu’il avait lui-même édictée, Kabila a décidé de rester au pouvoir et a envoyé son armée réprimer ceux qui s’y opposaient.

Depuis plusieurs jours, les forces de répression quadrillaient les rues de la capitale, Kinshasa, et des grandes villes. Quelques heures avant la fin de son mandat, Kabila a annoncé la formation d’un nouveau gouvernement, avec comme Premier ministre un transfuge de l’opposition. Cette proclamation confirmait qu’il allait rester au pouvoir au moins jusqu’en 2018, et peut-être bien au-delà. Des jeunes sont aussitôt descendus dans les rues de Kinshasa, érigeant des barricades et affrontant l’armée à coups de pierres. À Lubumbashi, deuxième ville du pays et capitale de la province minière du Katanga, les forces de répression ont ouvert le feu sur les manifestants venant des quartiers pauvres. La répression a fait au moins quarante morts et de nombreux blessés à travers tout le pays.

En septembre déjà, une cinquantaine de manifestants avaient été tués par l’armée et la police alors qu’ils manifestaient pour exiger le départ de Kabila. Les sièges de plusieurs partis d’opposition avaient été incendiés.

Cette crise politique préoccupe les grandes puissances car, depuis toujours, le pays est un eldorado pour leurs trusts. Son sous-sol regorge de minerais que les grandes compagnies exploitent au prix de quelques miettes laissées au clan de Kabila. Joseph Kabila, sa femme, ses deux enfants et huit de ses frères et sœurs contrôlent plus de 120 permis d’extraction d’or, de diamants, de cuivre ou de cobalt. Ils possèdent par ailleurs des participations, souvent majoritaires, dans 70 entreprises de la banque, de l’agriculture, des carburants, de la construction ou de l’hôtellerie. L’immense fortune ainsi accumulée n’est pourtant qu’une goutte d’eau par rapport aux profits que font les trusts mondiaux en récupérant pour un prix dérisoire les matériaux issus de minerais parmi les plus purs du monde, et utilisés à une étape de la production ou à une autre dans presque tous les secteurs.

La population congolaise, elle, n’a jamais profité de ce pactole enfoui sous ses pieds, mais elle a payé au prix fort les conflits qui ont vu s’affronter les États de la région pour son contrôle entre 1996 et 2003, comme elle avait payé sous Mobutu, lui aussi soutenu par les grandes puissances et en particulier la France. Aujourd’hui encore, des bandes armées, séquelles de ces guerres, sillonnent le pays. Le 25 décembre dernier, la région du Nord-Kivu a ainsi été ensanglantée par une série d’attaques de ces milices, et une soixantaine de villageois y ont perdu la vie.

Les grandes puissances voudraient que ce pillage puisse continuer sans heurt, et l’obstination de Kabila les dérange. Elles l’ont longtemps soutenu, malgré la dictature qu’il faisait régner sur la population. Les détournements de fonds dont il se rendait coupable ne gênaient pas leurs dirigeants mais, depuis plusieurs années, ceux-ci préparent la relève pour ravaler la façade avant que l’impopularité croissante de Kabila ne débouche sur une explosion. Des opposants comme Étienne Tshisekedi, qui à 84 ans fait figure d’opposant de toujours à Kabila, mais qui fut ministre de Mobutu, ou Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, sont sur les rangs pour continuer la même politique, tout en ne concentrant pas sur eux la même hostilité que Kabila.

C’est ce scénario que tentent de favoriser les grandes puissances, notamment les USA. Elles soutiennent les négociations menées sous l’égide des évêques congolais pour obtenir désormais que Kabila organise des élections avant la fin 2017. Mais les jeunes, les travailleurs congolais qui manifestent au risque de leur vie, veulent bien plus qu’un ravalement de façade : en finir avec la misère et l’oppression.

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