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Alep : le bal des hypocrites
Lundi 19 décembre, les dirigeants des grandes puissances se sont félicités à tour de rôle du vote par le Conseil de sécurité, à l’unanimité, d’une résolution visant à déployer à Alep des observateurs de l’ONU et d’autres organisations, censés superviser les évacuations des civils d’Alep-Est et garantir leur sécurité. 14 000 personnes auraient quitté Alep-Est.
Il resterait encore 7 000 habitants coincés dans ce secteur. Les immeubles complètement détruits, presque rasés pour certains, laissent imaginer la violence des bombardements opérés depuis des mois par l’armée syrienne de Bachar al-Assad soutenue par la Russie. Le désastre humanitaire dont ces derniers sont responsables, les dirigeants des grandes puissances n’ont pas de mots assez durs pour le dénoncer. Au même moment, elles mènent cependant une guerre tout aussi féroce dans d’autres parties de la Syrie et en Irak, et en particulier à Mossoul. Mais surtout, des États-Unis à la France, tous ont une responsabilité écrasante dans la guerre qui déchire la Syrie depuis 2011 et qui a fait plus de 450 000 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
Pour permettre à leurs capitalistes de piller ses richesses, les dirigeants occidentaux allument en effet des incendies au Moyen-Orient depuis bien longtemps. Déjà en 1916, les impérialismes britannique et français se partageaient la dépouille de l’Empire ottoman, donnant naissance à une série d’États comme la Syrie, la Jordanie, le Liban ou l’Irak, suivant des frontières artificielles divisant le Moyen-Orient, en ignorant les intérêts et les aspirations des populations. Des décennies plus tard, avec la première guerre du Golfe de 1991 et celle de 2003 contre l’Irak de Saddam Hussein, l’impérialisme a encore entraîné la déstabilisation de toute cette région, de l’Irak à la Syrie, ouvrant la voie au développement de milices de diverses obédiences, dont Daech.
Pour mesurer l’hypocrisie et le cynisme des déclarations actuelles des dirigeants impérialistes, il faut rappeler que, durant quarante ans, ceux-ci s’étaient tout à fait accommodés du régime d’al-Assad père puis fils. Si ce régime leur posait un problème, cela ne tenait pas à son caractère dictatorial, mais plutôt à l’indépendance que la dictature syrienne affichait à leur égard. Mais le régime avait su montrer qu’il pouvait être utile à l’impérialisme, notamment en intervenant au Liban à partir de 1976 pour rétablir l’ordre social, menacé par la mobilisation conjointe des Palestiniens et des masses pauvres du Liban. Assad montra encore son utilité en s’engageant du côté des États-Unis lors de la guerre du Golfe. Et ce même Assad fut reçu en grande pompe par Sarkozy en 2008. Les dirigeants américains, français ou anglais ont toujours été convaincus que, tout compte fait, il était un partenaire utile pour le maintien du statu quo entre les différents États du Moyen-Orient.
Lors des printemps arabes en 2011, le régime d’al-Assad fut contesté, mais le mouvement n’aboutit pas à sa chute. Il se transforma en une guerre entre bandes armées, celle du régime syrien, l’armée officielle, celles de bandes de brigands armés, et celles de groupes islamistes soutenus par différentes puissances régionales, de l’Iran à l’Arabie saoudite et à la Turquie. Et dans un premier temps la politique des États-Unis fut de laisser agir ces dernières au travers de ces milices dites rebelles, comme celle d’al-Nosra liée à al-Qaida et rebaptisée aujourd’hui Fatah al-Cham, afin d’affaiblir le régime d’al-Assad.
Mais, celui-ci se révélant plus solide que prévu, les dirigeants impérialistes envisagèrent finalement de faire avec, sans toutefois l’admettre ouvertement. L’intervention militaire de la Russie en Syrie, commencée à l’automne 2015, vint finalement les tirer d’affaire en leur permettant de laisser à la Russie le soin de tenter de rétablir l’autorité de ce régime. Comme l’a déclaré un représentant de la diplomatie française à l’issue de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU du 19 décembre : « Nous espérons maintenant que Poutine amène le régime à la table des négociations.»
Les grandes puissances veulent avant tout préserver un statu quo régional qui leur permette de continuer à piller les ressources naturelles de la région. Le sort des peuples, d’Alep ou d’ailleurs, est le cadet de leurs soucis.