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Dans le monde
Turquie : attentats et répression
Le soir du samedi 10 décembre, à Istanbul, un nouvel attentat meurtrier a eu lieu à la sortie d’un match de football, faisant 44 morts, dont 36 policiers, et 155 blessés. L’attentat a été revendiqué par le TAK (Les faucons de la liberté du Kurdistan), un groupe qui serait lié au PKK.
La police a arrêté aussitôt treize personnes, mais jusqu’à maintenant n’a donné aucune information précise. Par contre, le gouvernement a profité de l’émotion suscitée par l’attentat pour poursuivre sa chasse aux sorcières. Pour l’instant, dans onze départements, 372 personnes ont été arrêtées, dont deux députés du parti pro-kurde HDP. Huit autres députés sont recherchés pour être arrêtés. Le HDP, le Parti démocratique des peuples, créé pour donner une voix légale aux aspirations des minorités, et en particulier des populations kurdes, est ainsi en voie d’être totalement interdit. En interrompant il y a plus d’un an le processus de négociation avec la guérilla kurde, le gouvernement Erdogan lui-même a fini par renforcer ceux qui recourent au terrorisme et en tire maintenant argument pour réprimer tous ceux qui le contestent, fût-ce par les voies légales.
Erdogan a choisi une véritable stratégie de la tension. Depuis la tentative de coup d’État militaire du 15 juillet, son gouvernement AKP a décrété l’état d’exception et règne à coups de décrets. Dans ce cadre, il peut faire arrêter qui il veut en l’accusant simplement de terrorisme. C’est ainsi que déjà plus de 125 000 personnes ont été suspendues ou limogées, principalement dans les milieux de la justice, de la police, de l’enseignement ou plus généralement des fonctionnaires. Du jour au lendemain, ces personnes se retrouvent sans aucun revenu et sans aucune possibilité de recours contre la décision qui les frappe. Plus de 39 000 d’entre elles sont en prison.
Par ailleurs, plus de 2 600 établissements ou associations ont été fermés dont cinq agences d’information, seize chaînes de télévision, 24 stations de radio, 62 journaux, 19 revues, 29 maisons d’édition, et ce ne sont évidemment pas que des partisans de Fethullah Gülen, l’ex-complice d’Erdogan maintenant réfugié aux États-Unis et accusé d’avoir fomenté le coup d’État.
En 2002, au début du gouvernement de l’AKP, Erdogan faisait de grands discours sur la démocratie et dénonçait la dictature de la période qui avait suivi le coup d’État militaire de 1980. Mais la situation devient pire qu’à cette époque : un rapport récent de l’ONU a fait un bilan inquiétant sur la situation de l’après-15 juillet 2016, parlant de « tortures, mauvais traitements apparemment répandus (…), les suspects sont enfermés jusqu’à 30 jours en garde à vue, sans accès à l’air libre ».
Tous les jours ont lieu des dizaines d’arrestations et n’importe qui peut être arrêté sur simple dénonciation, comme dans les deux exemples récents cités par la presse : un chauffeur de taxi a enregistré à son insu les critiques d’un de ses clients contre le gouvernement, et ce dernier a été arrêté. Une autre personne a osé critiquer Erdogan dans un café et a subi le même sort.
Erdogan et le gouvernement AKP craignent visiblement une deuxième tentative de coup d’État, ou bien une conjuration venue de leur propre camp et qui pourrait les balayer. Ils réagissent en tentant de faire régner une ambiance de terreur dans l’ensemble du pays. Mais il n’est pas sûr qu’ils puissent poursuivre encore longtemps leur fuite en avant dans une répression tous azimuts.