La destruction d’Alep et la barbarie du monde capitaliste14/12/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/12/LO2524.jpg.445x577_q85_box-0%2C15%2C189%2C259_crop_detail.jpg

Editorial

La destruction d’Alep et la barbarie du monde capitaliste

Alep agonise sous les bombes. Depuis plusieurs mois, les habitants de cette ville grande comme Marseille sont pilonnés par l’armée syrienne soutenue par la Russie. « Les rues sont pleines de gens sous les décombres. Ils meurent parce qu’on ne peut pas les sortir de là », expliquent les secouristes. Même les hôpitaux sont pris pour cible, tandis que l’armée reprend rue par rue les quartiers qui lui échappaient encore.

Les grandes puissances se renvoient la balle. Le rôle de la Russie est certes révoltant. Et que penser de politiciens comme Le Pen ou Fillon qui font l’éloge de Poutine ! Mais Hollande et Obama sont bien mal placés pour s’indigner et crier au crime contre l’humanité. Car les grandes puissances ont une responsabilité écrasante dans l’évolution qui a conduit à la situation actuelle.

Il n’y a pas si longtemps, elles soutenaient la dictature féroce d’Assad, que Sarkozy avait invité en 2008 pour le défilé du 14 juillet. Puis en 2011, lors des « printemps arabes », les dirigeants occidentaux l’ont lâché. Ils ont soutenu des milices, y compris celles d’islamistes aussi barbares que le régime. Trois ans plus tard, après que cette politique eut permis aux islamistes de prendre le contrôle d’un vaste territoire, les grandes puissances ont de nouveau changé d’orientation. Elles critiquent Assad et Poutine, mais leur laissent faire le sale boulot, tandis qu’elles-mêmes mènent la guerre contre les islamistes dans d’autres parties de la Syrie et en Irak, comme à Mossoul, aujourd’hui ravagé par des combats terribles.

En cinq ans, la guerre en Syrie aurait fait 400 000 morts, 12 millions de réfugiés, dont 4 millions sont partis à l’étranger. Les dirigeants occidentaux versent aujourd’hui des larmes de crocodile. Leur sollicitude ne va pas jusqu’à ouvrir la porte aux Syriens. Si ceux-ci parviennent à fuir cet enfer et tentent de se réfugier en Occident, ils se heurtent aux barbelés dressés par l’Europe-forteresse ou par la Turquie avec l’argent européen. Et c’est souvent alors la Méditerranée qui devient leur cimetière, comme cela a encore été le cas la semaine dernière.

La politique des puissances occidentales n’a jamais été guidée par les intérêts des peuples, mais toujours par la cupidité. Le Moyen-Orient et son pétrole font depuis longtemps l’objet de leurs convoitises. Pendant la Première Guerre mondiale, Français et Britanniques se sont partagé l’Empire ottoman, et la Syrie est passée sous domination française. Depuis, les pays de la région sont peut-être indépendants mais les puissances occidentales continuent de les piller, au prix de guerres terribles. Et, aujourd’hui encore, le marchand de canons Dassault ou le cimentier Lafarge font leur beurre sur la dévastation de la Syrie.

Les dirigeants français expliquent qu’en combattant là-bas ils luttent contre le terrorisme. Quelle hypocrisie ! En réalité, ils l’alimentent, par leur politique impérialiste. Les attentats en France ont été un contrecoup de la guerre de l’autre côté de la Méditerranée.

Cette guerre implique déjà l’Iran, les monarchies du Golfe, les États occidentaux, la Russie et le régime turc, en guerre contre sa minorité kurde. Et l’histoire du 20e siècle nous rappelle qu’un conflit en apparence lointain et secondaire peut déboucher sur une guerre généralisée.

Alors, Alep est certes loin, mais ce qui se passe là-bas nous concerne, car c’est peut-être de notre avenir qu’il s’agit. Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage, disait Jaurès. Syrie, Irak, Afghanistan, Ukraine, Soudan, Libye… le monde est aujourd’hui à feu et à sang.

Le capitalisme, c’est d’abord l’exploitation de la classe ouvrière, les bas salaires et la menace permanente du chômage. Rien que cela justifie d’y mettre fin. Mais en outre ce système dément, qui repose sur la concurrence féroce entre firmes et entre États, menace en permanence de conduire toute l’humanité dans la guerre. Les ouvriers français ou allemands d’avant 1914 étaient durement exploités. Mais ce qui les attendait, l’enfer des tranchées et de Verdun, était pire encore.

Alors, nous débarrasser du capitalisme, ôter aux grandes entreprises leur mainmise sur toute l’économie, est vital. C’est vital pour mettre fin aux inégalités et à l’exploitation du travail salarié. Mais c’est vital aussi pour mettre fin aux guerres engendrées par la convoitise des grandes firmes et des grandes puissances. Sans cela, nous aurons tôt ou tard d’autres Alep et d’autres Mossoul, non seulement de l’autre côté de la Méditerranée, mais à nos portes et dans nos villes.

Éditorial des bulletins d’entreprise du 12 décembre 2016

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