Évasion fiscale : les méthodes changent, l’évasion reste14/12/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/12/LO2524.jpg.445x577_q85_box-0%2C15%2C189%2C259_crop_detail.jpg

Leur société

Évasion fiscale : les méthodes changent, l’évasion reste

Plusieurs organisations non gouvernementales, dont Oxfam, Tax Justice Network ou CCFD-Terre solidaire, viennent de publier un rapport sur l’évasion fiscale. Il en ressort que, malgré le tapage politicien périodique contre les paradis fiscaux, loin d’avoir disparu, ceux-ci se portent plutôt bien.

D’après des données fournies par la Commission européenne, le nombre de sociétés faisant savoir que leur situation fiscale s’est modifiée est nettement à la hausse. Le nombre de tels rescrits (c’est le terme employé) est ainsi passé de 543 à 1 444 entre 2013 et 2015. Les documents publiés par Luxleaks avaient montré que le Luxembourg utilisait ce système pour valider des taux d’imposition de multinationales inférieurs à 1 %. Les rescrits masquent ainsi des transferts de revenus de la filiale d’une multinationale à une autre, et l’évaporation d’impôt allant avec. Les rapporteurs soupçonnent que le triplement des rescrits dissimule des manœuvres fiscales du même ordre.

Ils constatent aussi une concurrence entre États pour proposer des arrangements fiscaux, par exemple sur la propriété intellectuelle, les taux d’imposition variant de 0 % à Malte à 15 % en France. Cela concerne les marques et les brevets, et contribue à faire tomber l’impôt à moins de 1 %.

Le dumping fiscal pratiqué par certains États qui attirent les multinationales avec des impôts allégés, alimentant leurs finances publiques au détriment de celles des États d’origine de ces multinationales, fait de ces États des paradis fiscaux.

Le rapport dénonce aussi les conventions fiscales signées dans le passé entre les États impérialistes et leurs ex-colonies. Au départ, il s’agissait en principe de faire que les sociétés capitalistes intervenant dans ces pays ne paient pas deux fois l’impôt. Désormais, ces accords dépouillent des pays pauvres de leurs recettes fiscales. En effet une entreprise intervenant dans une ex-colonie ne paie aucun impôt, pour autant qu’elle soit domiciliée dans l’ex-métropole de cette colonie. En Ouganda, la moitié des investisseurs étrangers ne paient aucun impôt. La France ayant signé 68 conventions de ce genre, on aimerait savoir le montant de l’allégement fiscal dont peut bénéficier Bolloré, par exemple. En revanche, on sait que ces conventions ne seront pas révisées, car les pays riches sont à la fois ceux qui en fixent les règles et qui en sont les bénéficiaires.

Au vol que constitue déjà l’exploitation du travail, les capitalistes en ajoutent un deuxième, par l’évasion fiscale. Des voleurs puissance deux en quelque sorte.

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