Brésil : corruption et attaques contre les travailleurs14/12/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/12/LO2524.jpg.445x577_q85_box-0%2C15%2C189%2C259_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : corruption et attaques contre les travailleurs

Le dimanche 4 décembre a été marqué par une série de manifestations dans les grandes villes du Brésil. À Sao Paulo, 40 000 personnes étaient rassemblées contre le gouvernement de droite du président Temer, souvent les mêmes que l’an passé contre la présidente Dilma Rousseff du Parti des travailleurs. Elles protestaient en particulier contre les parlementaires qui tentent d’échapper à la justice.

La destitution de Dilma Rousseff fin août n’a pas mis fin au scandale de corruption lié à la société pétrolière nationale, Petrobras, dans lequel les politiciens et les partis de droite sont au moins autant impliqués que ceux de gauche. Depuis six mois que Temer est président, six de ses ministres ont dû démissionner, le président de la Chambre est en prison, ainsi que l’ex-gouverneur de Rio, le président du Sénat est poursuivi pour détournement de fonds, et Temer lui-même est sous le coup d’une enquête.

Dernier épisode en date : le ministre Geddel, bras droit de Temer, voulait obtenir l’autorisation de construire une tour de trente étages dans un quartier de Bahia classé patrimoine historique, pour des promoteurs amis. Il a fait pression sur son collègue de la Culture, qui a refusé d’accorder un passe-droit, et a fini par démissionner, avant de révéler l’affaire. Geddel dut aussi démissionner.

Autre souci pour Temer : le groupe de BTP Odebrecht, le Bouygues brésilien, au cœur de l’affaire Petrobras, réalisait une grosse partie des travaux surfacturés qui alimentaient les caisses noires des politiciens. Son patron est en prison, condamné à payer une amende de 2 milliards d’euros. Mais, avec 80 de ses cadres et directeurs, il a passé un accord avec la justice, acceptant de dénoncer 200 politiciens qu’il finançait illégalement, en échange d’allégements de peine.

Les élus ont tenté de parer le coup. Le 29 novembre, dans une loi intitulée « dix mesures contre la corruption », ils ont introduit un amendement qui supprime le crime d’enrichissement illégal d’un agent de l’État et la confiscation des biens qui le sanctionne. En revanche, il introduit le crime d’abus d’autorité de la part des juges et procureurs, puni de deux ans de prison. En clair : la corruption est autorisée et qui la poursuit va en prison. Cet amendement a été voté, avec l’aide de la moitié des députés du PT. En riposte, les procureurs de l’affaire Petrobras ont menacé de démissionner en bloc, appuyés par les dizaines de milliers de manifestants du 4 décembre.

Ces péripéties judiciaires et politiques accompagnent une crise économique profonde, dont les travailleurs sont les premières victimes. Le produit intérieur brut devrait reculer cette année de 3,5 %, après 3,8 % en 2015. Neuf États, dont ceux de Rio de Janeiro et du Rio Grande du Sud, sont en faillite. Mais la bourgeoisie veut maintenir ses profits, au prix d’une inflation entre 8 et 10 %, d’un chômage record à 12 % et du démantèlement des services publics.

Les entreprises réduisent l’emploi, sous prétexte de baisse des ventes et des exportations. Les cinq plus grandes banques ont encaissé sur le premier semestre 2016 près de 8 milliards d’euros de profits. Mais elles veulent réduire l’emploi. Ainsi le Banco do Brasil, dernière banque publique, projette de fermer 400 agences, d’en réduire 370 autres à un simple guichet, supprimant 9 200 postes et déclassant des milliers d’employés, avec jusqu’à 50 % de baisse des salaires.

Temer veut accélérer une réforme reculant l’âge du départ en retraite et mettant fin à l’indexation des retraites sur l’inflation. Quant au projet d’amendement constitutionnel 55, contre lequel protestaient aussi les manifestants du 4 décembre, il gèlerait pour vingt ans les dépenses publiques, retirant dans les faits des milliards de tous les budgets sociaux, santé, éducation, transports, logement. Le Sénat l’a adopté en première lecture le 29 novembre, pendant que sur l’esplanade des Ministères de Brasilia la police matraquait les 20 000 opposants qui manifestaient.

Temer veut faire payer la crise aux salariés, sans s’embarrasser de verbiage. Est-il capable de le faire ? C’est une autre question, car la classe ouvrière brésilienne pourrait riposter à ces attaques.

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