BCE : la course à l’abîme financier14/12/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/12/LO2524.jpg.445x577_q85_box-0%2C15%2C189%2C259_crop_detail.jpg

Dans le monde

BCE : la course à l’abîme financier

Jeudi 8 décembre, la banque centrale européenne (BCE) a annoncé la poursuite de sa politique de rachat de titres. L’institution a ainsi inventé et distribué 1 400 milliards d’euros depuis avril 2015 pour, dit-elle, permettre à l’économie européenne de sortir de la crise.

Alors que cette politique devait prendre fin en avril 2017, la BCE la poursuivra jusqu’à la fin de l’année prochaine, y consacrant désormais 60 milliards d’euros par mois, contre 80 précédemment. La BCE et les banques centrales sur lesquelles elle est appuyée auront alors racheté pour presque 2 000 milliards d’euros de créances douteuses aux États, mais surtout aux banques privées, aux sociétés financières et aux groupes capitalistes en général. L’opération consiste à remplacer par de bons euros tout neufs, fraîchement émis par la BCE et garantis par elle, des titres de dettes dont on craint qu’elles ne soient jamais acquittées. Le risque de défaut de paiement sera donc passé de confettis de créances privées à la seule dette de la BCE elle-même, de sociétés privées aux États européens, y compris en dernier ressort aux plus puissants d’entre eux, la France et même l’Allemagne. Loin de diminuer le risque de crise financière, cette politique en augmente la portée.

Cette création continue de monnaie, dans la suite de celle du même ordre opérée pour sauver les banques à partir de 2008, n’a en rien amélioré la situation de l’économie productive. Les capitalistes n’investissent pas dans la production, même lorsque la BCE leur offre les capitaux pour le faire. Pourquoi donc prendre le risque de fabriquer des marchandises nouvelles qui risquent de ne pas trouver preneur, alors qu’on peut faire fructifier son argent dans la seule spéculation ?

En revanche, les entreprises géantes utilisent les masses de capitaux mises gratuitement à leur disposition pour se disputer les profits tirés de l’exploitation des travailleurs, usant jusqu’à la corde les installations existantes et les travailleurs eux-mêmes. Les rachats d’entreprises n’ont jamais été aussi nombreux, ni mis en jeu une telle quantité d’argent. Non contentes de se racheter les unes les autres, les grandes entreprises capitalistes rachètent leurs propres actions en vue de les détruire. L’entreprise est alors détenue par un nombre d’actionnaires moindre, ce qui augmente la part de chacun, en capital et en dividendes. Safran, géant français de l’aéronautique, a ainsi annoncé, le 12 décembre, lancer un programme de rachat d’actions d’un montant de 450 millions d’euros. Pas un moteur d’avion de plus ne sera fabriqué, mais chacun d’eux rapportera un peu plus aux actionnaires restants.

Les banquiers centraux savent pertinemment qu’ils sont en train de gonfler une énorme bulle financière. Ils savent que leur édifice est à la merci d’une panique. Ils ont même craint qu’elle ne se déclenche après le référendum britannique, après une faillite bancaire italienne, voire après une fausse nouvelle concernant le groupe Vinci. Mais ils savent aussi que le simple fait de réduire brutalement le flot de capital peut déclencher la catastrophe, une panique financière pire que celle de 2008, dont les conséquences sur l’économie productive, et donc sur les travailleurs, seraient imprévisibles.

Alors, les responsables de la BCE continuent à pédaler de plus en plus vite dans la descente, tous freins desserrés et en espérant que le vélo s’arrêtera tout seul avant la chute. C’est peu probable…

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