- Accueil
- Lutte ouvrière n°2519
- Renault : de compétitivité en hypercompétitivité
Dans les entreprises
Renault : de compétitivité en hypercompétitivité
Installé sur ses 48 % de bénéfices supplémentaires de l’an dernier, le PDG de Renault est parti en campagne pour obtenir des syndicats la signature d’un nouvel accord portant sur les trois prochaines années. Augmentation du temps de travail sans augmentation des salaires, flexibilité accrue des horaires, intensification du travail, telles sont les lignes directrices du projet de Ghosn.
L’inquiétude des travailleurs devant l’information distillée au compte-gouttes s’est déjà traduite par des débrayages dans différents sites. Signé en mars 2013 par plusieurs syndicats, dont la CFDT, le précédent accord triennal de compétitivité avait débouché sur un plan de 8 200 suppressions d’emplois en trois ans, la perte, pour les salariés de l’usine de Flins par exemple, de 18 jours de RTT et la détermination d’une durée annuelle du travail de 1 603 heures pour les salariés qui ne sont pas au forfait. À présent, la direction de Renault prépare un nouveau plan, qu’elle annonce bribe par bribe au fil des réunions avec les directions syndicales, et qu’elle compte faire signer mi-décembre. Lors de chaque séance de négociations, selon le terme de la direction, les travailleurs sont confusément informés de l’angle d’attaque prévu. Jusqu’à présent, ils peuvent constater que l’air connu « travailler plus pour gagner moins » est à l’ordre du jour.
Avant les discussions officielles, l’objectif était fixé : arriver à 90 véhicules par salarié et par an. Or, à Flins par exemple, la production serait, selon la direction, de 65 par salarié. Dès la deuxième réunion, les départs anticipés étaient conditionnés à quinze ans de travail en équipe ou à 10 % d’invalidité. Certains travailleurs ont immédiatement traduit cela en années supplémentaires à l’atelier ou au bureau d’études ! Travailler jusqu’à 24 samedis obligatoires par an, déborder son équipe de une heure et demie, éventuellement faire les deux dans la même semaine, voilà qui pourrait conduire à des semaines de 42 voire 48 heures. Les heures supplémentaires ne seraient plus payées avec 25 ou 50 % de majoration, puisque le calcul du temps de travail serait fait à l’année, des périodes dites basses compensant les périodes dites hautes. Ainsi, non seulement le patron s’arrogerait le droit de bouleverser la vie des travailleurs selon son bon vouloir, mais il leur volerait les majorations qui viennent souvent compenser les salaires insuffisants. Les samedis et débordements, accumulés mais non payés, seraient épongés en jours de chômage à des périodes creuses où la direction n’aurait plus besoin de payer du chômage partiel, le tout inscrit dans l’horaire annuel de 1 603 heures.
Les 9 000 travailleurs intérimaires, les plus mal payés et les plus exploités, seraient concernés eux aussi par cette flexibilité horaire et ce rabotage des salaires, car ils ne toucheraient d’éventuelles majorations qu’à la fin de leur mission. Rares sont ceux qui se font des illusions quant aux annonces du PDG Ghosn, qui prétend résorber la précarité sans embaucher à hauteur de la production qu’il veut obtenir. En effet Ghosn s’engagerait, au conditionnel, à recruter 3 000 CDI sur trois ans (dont une forte proportion d’ingénieurs) alors que près de 10 000 emplois ont été supprimés. Qui va alors fabriquer les voitures, si ce n’est les ouvriers intérimaires ?
Les organisations syndicales ont participé à ces discussions, en semblant attendre on ne sait quelle proposition positive de la direction. Après la quatrième séance de négociations, la coordination CGT Renault a finalement appelé à débrayer. Dans plusieurs usines, ces débrayages ont mobilisé quelques centaines de travailleurs. À Flins par exemple, le 27 octobre, environ 300 d’entre eux ont arrêté le travail, dont des intérimaires.
La cinquième séance, le 4 novembre, n’a rien changé au plan de la direction. Les travailleurs n’attendent rien de bon de ce nouveau plan et se souviennent qu’en 2013 Renault avait d’abord projeté d’imposer la mobilité obligatoire sur plusieurs usines, avant de devoir reculer devant leur mobilisation.