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SNCF : irresponsable
Le reportage d’Envoyé spécial intitulé SNCF : quand la sécurité déraille, diffusé le 29 septembre, a eu le mérite de mettre sur la place publique l’état de délabrement du réseau ferroviaire, que les cheminots dénoncent depuis plusieurs années.
Alors que Pepy, président de la SNCF, prétendait en 2014 que « le réseau ferroviaire est sûr, surveillé et entretenu », le reportage a prouvé le contraire.
Le rapport d’enquête sur l’accident de Brétigny, qui avait causé en juillet 2013 sept morts et 32 blessés, a montré que la cause directe du déraillement provenait du défaut d’entretien de la voie. Et Brétigny n’est pas un cas isolé. Le documentaire fait état des conversations édifiantes entre des cadres, placés pendant un an sous écoute judiciaire suite à l’accident de Brétigny. Ceux-ci listent, au jour le jour, des problèmes de sécurité, sur des lignes aussi fréquentées que Paris-Marseille, par exemple. Rien qu’en région parisienne, de nombreux sites ferroviaires, à Achères, Saint-Ouen, Noisy-le-Sec, Choisy-le-Roi, Massy, Juvisy, Montereau, sont mentionnés dans ces rapports d’écoute, chacun d’entre eux étant des Brétigny en puissance.
On voit à Étampes l’un des deux aiguillages, tellement hors d’usage qu’il est condamné par un simple cadenas, alors que des trains de plusieurs centaines de tonnes y circulent. Sur une partie importante du réseau, qualifiée par la SNCF elle-même d’obsolète, les trains circulent au prix d’une réduction de vitesse. Ainsi des trains circulent à 10 km/h sur la ligne Paris-Givet en raison de la vétusté de la voie. Sur une ligne, entre Chartres et Courtalain, un cheminot montre des traverses complètement pourries, des rails fissurés, sur une portion où les trains circulent à 100 km/h.
L’autre intérêt du reportage a été de s’appuyer sur les témoignages de cheminots qui ont une connaissance précise de l’état du réseau dans leur secteur et des risques encourus. Non seulement les cheminots ne sont pas entendus mais, aux yeux des patrons de la SNCF, ils doivent se taire. Comme le dit l’un d’entre eux : « C’est l’omerta. »
Un cadre lanceur d’alerte, ne supportant plus le silence, a fini par confirmer à des syndicalistes le fait qu’en 2015, dans la région basque, des passages à niveau sont restés ouverts à deux reprises alors qu’un train passait, à cause de la défaillance de certains types d’autorails. Mais, quand les conducteurs dénoncent et refusent de conduire ce matériel dangereux, ce sont eux qui sont sanctionnés.
Comme dans le procès de Brétigny, la direction ne se dit ni responsable ni coupable. L’impératif de la rentabilité et les dizaines de milliards d’intérêts versés aux banques depuis trente ans ont pesé bien plus lourd que la sécurité des installations, sur un réseau dont l’état continue de se dégrader. Effectivement, elle n’est pas responsable : elle est irresponsable.