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Grande-Bretagne : la livre et les avatars du Brexit
Depuis son arrivée au pouvoir après le vote pour le Brexit, le gouvernement de Theresa May disait que l’économie britannique ne s’en porterait que mieux. Malgré quelques indices officiels qui, après le premier choc, semblaient lui donner raison, cet optimisme n’a pas tardé à être démenti par une deuxième chute brutale de la livre, qui a pris tout le monde par surprise.
Le 7 octobre, en à peine deux heures, le cours de la livre a chuté soudain de près de 10 % face au dollar et à l’euro sur le marché des changes de Singapour, le plus important d’Asie. Puis cette baisse s’est propagée à toutes les places financières de la planète.
Pour certains experts, elle serait due aux programmes qui pilotent les ordinateurs des fonds spéculatifs. D’autres incriminent un article paru dans la presse faisant état de la position dure adoptée par Hollande en prévision des négociations à venir sur le Brexit. Pour ces gens-là, le vote pour le Brexit, en intervenant en plein milieu d’une crise qui n’en finit plus, n’a pas aggravé l’instabilité permanente de la finance internationale.
Il est vrai que d’autres facteurs étaient susceptibles de pousser les spéculateurs à se débarrasser de leurs livres. Mais tous ces facteurs étaient eux aussi liés au Brexit.
Ainsi, le 6 octobre, on avait appris que, malgré les pronostics officiels, l’indice de la production industrielle britannique avait reculé en août, tandis que le déficit du commerce des produits manufacturés avait augmenté de près d’un tiers. Contrairement aux promesses des partisans du Brexit, la baisse de la livre suite au référendum n’avait donc pas revigoré les exportations.
Et puis il y avait le contexte politique créé par le congrès du Parti conservateur la semaine précédente. Pour couper l’herbe sous le pied aux surenchères auxquelles se livrent les factions de la droite conservatrice jusqu’au sein de son gouvernement, Theresa May avait fait le choix d’aller dans leur sens. Sans rien dire de précis sur les liens futurs de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne, elle avait mis l’accent sur la réduction de l’immigration. Cela avait suffi pour qu’à l’unisson, la grande presse titre sur le « Brexit “dur” de Theresa May ».
Mais pour l’instant, hormis une rhétorique destinée à contenir la droite de son parti, May s’est bien gardée de prendre la moindre mesure risquant d’indisposer les hautes sphères du patronat ou les dirigeants de l’UE. Au contraire, il ne se passe pas une semaine sans qu’elle désavoue l’un ou l’autre de ses ministres. C’est ce qui vient d’arriver, par exemple, à la ministre de l’Intérieur Amber Rudd, qui voulait contraindre les entreprises à publier le nombre de leurs salariés étrangers : un communiqué du cabinet de May l’a contrainte à expliquer qu’il ne s’agissait que d’une possibilité.
En attendant le début des négociations, prévu en mars 2017, le patronat ne cache pas son irritation. De grandes entreprises ont annoncé l’abandon d’investissements programmés. Certaines, comme Nissan (aujourd’hui le plus gros constructeur automobile sur le sol britannique), sont allées jusqu’à dire ouvertement qu’en cas de perte de leur accès libre au marché européen, elles comptaient sur l’État pour les dédommager du manque à gagner.
Quant à la classe ouvrière, avec une livre qui a désormais perdu plus de 15 % de sa valeur par rapport à l’euro depuis le référendum, elle doit se préparer à ce qu’on lui présente la note du Brexit avant même qu’il soit effectif, sous la forme d’une hausse des prix à la consommation. Se posera alors la question de présenter cette note aux capitalistes.