Syrie : trêve en vue de quelle paix ?14/09/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/09/2511.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie : trêve en vue de quelle paix ?

Le secrétaire d’État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov ont fini par conclure un accord pour un cessez-le-feu en Syrie, à Genève, dans la nuit du 9 au 10 septembre. L’avenir dira si cette trêve, qui a débuté le 12 septembre durera davantage que celle conclue en février dernier. Mais, même si États-Unis et Russie parvenaient à imposer par la suite un accord de paix, de quelle paix s’agirait-il ?

Le secrétaire d’État américain John Kerry a appelé « tous les acteurs syriens à soutenir le plan auquel sont parvenus les États-Unis et la Russie, pour (…) mettre un terme le plus vite possible à ce conflit catastrophique par un processus politique ». Catastrophique, ce conflit, qui dure depuis cinq ans et qui a fait plus de 300 000 morts, l’est en effet. Il faut rappeler que l’opposition au régime de Bachar al-Assad, qui s’exprimait au début au travers de manifestations populaires, s’est vite transformée en une guerre entre bandes armées : celle du régime syrien, l’armée officielle composée de 325 000 hommes, les bandes de brigands armés, et celles des différents groupes islamistes soutenues par les diverses puissances régionales. La population devint dès lors la victime impuissante des affrontements entre ces groupes.

La politique menée par les États-Unis ne fut pas d’envoyer des troupes. L’exemple de l’Irak, où le régime de Saddam Hussein n’a jamais pu être remplacé par un pouvoir stable, était là pour leur rappeler les risques d’une succession fragile. Aussi continuèrent-ils à aider les milices, suffisamment pour gêner Assad mais sans les renforcer au point qu’elles gagnent, et à laisser les alliés régionaux agir. Mais le régime de Assad s’est finalement révélé plus solide que prévu. Et, du point de vue des dirigeants impérialistes, il est vite devenu évident qu’une solution politique ne pouvait être trouvée sans Assad.

L’intervention militaire de la Russie en Syrie, commencée à l’automne 2015, est alors venue tirer les dirigeants américains du guêpier, en laissant à celle-ci le soin de tenter de rétablir l’autorité du régime d’Assad dont elle est l’alliée. L’accord récent entre Obama et Poutine n’est donc en rien une surprise. Cela fait des mois qu’ils discutent secrètement et officiellement. Ils restent certes concurrents. La Russie cherche à asseoir son influence dans la région. Les dirigeants américains de leur côté voudraient imposer à des puissances régionales aux intérêts divergents un semblant d’unité derrière eux en utilisant l’objectif de vaincre Daech.

Mais Obama comme Poutine savent que, pour qu’existe ce qu’ils appellent une solution politique, il faut qu’elle soit acceptable par les différentes forces en présence. Il y a les rebelles dits modérés, mais alliés avec les djihadistes de Fatah el-Cham (l’ex groupe al-Nosra), le régime d’Assad soutenu par l’Iran et la Russie, et les puissances régionales jusque-là opposées au régime en place, la Turquie et l’Arabie saoudite. Ces dernières prétendent aujourd’hui combattre les djihadistes de l’État islamique, après les avoir financés et armés.

Les « conditions pour la reprise du processus politique » restent secrètes, sans doute parce que Russie et États-Unis discutent encore de la façon dont ils pourraient se partager l’influence sur la Syrie. Ils envisagent peut-être le partage du pays lui-même en zones d’influence, et se demandent encore comment ils pourront imposer leur plan aux parties en présence, du régime d’Assad aux puissances voisines et aux différents groupes rebelles, en excluant a priori les groupes djihadistes.

Cela signifie encore bien des combats, des divisions, des pouvoirs dictatoriaux plus odieux les uns que les autres. Même si la trêve finit par déboucher sur un accord de paix, cela ne signifiera pas la fin des souffrances pour la population, dans un pays complètement détruit et éclaté. Pour les classes populaires de Syrie, d’Irak, et de tout le Moyen-Orient, il ne peut y avoir de paix dans ce monde dominé par l’impérialisme.

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