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Allemagne : commentaires post-électoraux et réalité
Après l’élection régionale du dimanche 4 septembre en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, les médias français se sont empressés d’y voir « une claque électorale » pour Angela Merkel, causée par sa politique d’ouverture aux réfugiés. Cette posture, utilisée par la classe politique française pour justifier sa politique indigne envers les réfugiés, ne résiste pas à un début d’analyse.
D’abord, tous les partis ont perdu des voix, et la CDU de la chancelière pas plus que les autres (les sociaux-démocrates du SPD ont perdu 5 %, la CDU 4 %, la gauche dite radicale, Die Linke 5 %, les Verts (écologistes) 4 %, et le parti néo nazi NPD 3 %). Ils les ont tous perdues au profit de l’AfD, l’Alternative pour l’Allemagne, parti d’extrême droite. Une nouvelle fois, beaucoup d’électeurs qui s’abstenaient jusque-là sont allés voter AfD, et la participation électorale est passée de 50 à plus de 60 %.
Si on prend comme critère le nombre d’électeurs, les deux partis SPD et CDU qui gouvernent ensemble ont tous deux maintenu leur nombre de voix. Ceux qui ont perdu beaucoup d’électeurs, entre 15 000 et 20 000 chacun, ne sont pas aux responsabilités, ce sont Die Linke, les Verts et le NPD. Dire que Merkel aurait été punie pour sa politique d’accueil des réfugiés n’a donc guère de sens.
Ce qui est vrai, c’est que l’AfD a réussi pendant la campagne à imposer ses thèmes, l’islam comme problème, l’insécurité et l’immigration, en faisant l’amalgame entre les deux. Elle a obtenu 21 % des voix. Face à ses succès électoraux successifs, d’autres partis et candidats cherchent ouvertement à lui reprendre des électeurs en distillant le même poison.
La région du Nord-Est de l’Allemagne où ont eu lieu les élections est une région pauvre, en partie sinistrée, qui appartenait à l’ex-RDA. Certaines communes n’ont plus de transports en commun, des habitants doivent se débrouiller pour faire des dizaines de kilomètres vers leur lieu de travail, le lycée ou des administrations. C’est dans cette région que l’AfD a obtenu ses meilleurs scores, là où la misère est la plus grande, avec par endroits 40 % de personnes sous le seuil de pauvreté. Peut-être la peur des réfugiés a-t-elle joué un rôle, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle une partie de la population laborieuse est allée voter à l’extrême droite.
Cette région abandonnée, très peu peuplée (1,6 million d’habitants), s’est vu attribuer par l’État moins de réfugiés que la plupart des autres, 23 000 seulement y ont été enregistrés pour 2015. Certes, c’est pour une seule petite région davantage que le nombre total de réfugiés arrivés en France, mais c’est peu comparé au reste de l’Allemagne, et il n’y a pas réellement là-bas de problème d’accueil des réfugiés. Ce qu’il y a en revanche, ce sont des politiciens prêts à exploiter les peurs de la population, à faire usage de démagogie pour ne jamais parler des responsables de la misère, du chômage, du recul des services publics dans les régions pauvres. Quitte à allumer des incendies qu’ils ne sauront plus éteindre.