Démolition des vieux navires : un mort à Brest17/08/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/08/2507.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Démolition des vieux navires : un mort à Brest

Vendredi 12 août, un travailleur a trouvé la mort et quatre ont été blessés sur le chantier de démolition du cargo Captain Tsarev, à Brest. Le système anti-incendie s’est déclenché pour une raison inconnue, provoquant l’intoxication au gaz carbonique des travailleurs présents.

Le Captain Tsarev, cargo de 153 mètres, rouillait depuis huit ans sur un quai de Brest. Il avait été remorqué dans ce port après une avarie en haute mer, son équipage avait été abandonné sans être payé par un armateur introuvable. Les pouvoirs publics avaient finalement décidé d’en confier la démolition à un chantier local. Le navire contenait alors des centaines de tonnes d’eau sale, de fioul, de l’amiante et autres matières dangereuses. La démolition, comme on l’a malheureusement constaté, était grosse de dangers et jette une lumière crue sur les autres opérations de ce type, de par le monde.

Dans les dix dernières années, 8 000 navires comparables au Captain ­Tsarev ont été démantelés, presque tous sur des chantiers d’Inde ou du Bangladesh. Un million d’ouvriers y seraient employés pour récupérer l’acier des coques. Ils travaillent pieds nus, sans gants ni aucune protection. Les services officiels, lorsqu’ils existent, parlent de centaines de morts en trente ans. Une enquête de la Fédération internationale des droits de l’homme évoque, elle, des milliers de morts par accident. Personne n’est en mesure de comptabiliser le nombre d’ouvriers mutilés ou intoxiqués lentement par l’amiante, ni le nombre d’enfants exploités sur ces chantiers. Tout juste sait-on que, il y a quelques mois, en Inde, des travailleurs qui protestaient après un accident mortel se sont fait tirer dessus par les gardes d’un de ces chantiers.

En revanche, les Panama Papers, ces révélations sur les pratiques d’un cabinet d’avocats d’affaires, viennent d’éclairer la façon dont les armateurs se débarrassent des vieux navires à moindre frais. Ils ne les abandonnent pas purement et simplement, comme l’armateur du Captain Tsarev, ils les font disparaître de leurs comptes grâce à une cascade de sociétés écrans. Les Panama Papers décrivent comment les navires promis à la démolition changent plusieurs fois de propriétaire, de pavillon, de port d’attache, jusqu’à devenir des navires fantômes juridiquement. Puis ils se retrouvent sur les plages où on les démonte, sans que les armateurs puissent être tenus légalement pour responsables des conditions dans lesquelles les ouvriers travaillent, des salaires perçus, des risques encourus.

Les capitalistes s’exonèrent ainsi des frais d’une démolition rationnelle et sécurisée. Mais c’est au prix de la vie des travailleurs.

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