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Editorial
Le bal des hypocrites
Les grands partis n’ont pas encore désigné leurs candidats à l’élection présidentielle et leurs porte-parole sont en vacances les pieds dans l’eau, mais l’on sait déjà sur quoi portera leur campagne : prétendre lutter contre le terrorisme en affirmant bruyamment tout et n’importe quoi.
Ils prétendent tous combattre le terrorisme. Mais ils ne le combattent pas, ils le nourrissent. La première réaction de Hollande à l’attentat au camion à Nice a été d’intensifier les bombardements sur la Syrie. Comme si écraser sous des bombes des hommes, des femmes, des enfants en Syrie pouvait empêcher qu’ici, en France, d’autres Nice se reproduisent ailleurs ! La mort semée au Moyen-Orient n’a pas empêché deux jeunes crapules d’égorger un curé à Saint-Étienne-du-Rouvray.
Quel que soit le cheminement individuel de chaque apprenti terroriste, leur violence criminelle se nourrit de la violence à bien plus grande échelle des États, ceux de la région et plus encore des grandes puissances impérialistes rivales, leurs intrigues diplomatiques, leurs interventions armées, ici pour mettre la main sur le pétrole, là sur l’uranium, ailleurs pour piller les richesses d’un pays pauvre et partout pour vendre des armes à des dictateurs contre leur propre peuple.
Tous les hauts serviteurs de la bourgeoisie en compétition pour la présidence de la République, de la gauche gouvernementale à l’extrême droite, se posent en défenseurs de la veuve et de l’orphelin. Ils ne le sont pas. Pas seulement parce qu’au Moyen-Orient, les Mirage envoyés par la France contribuent à faire des veuves et des orphelins. Mais aussi parce qu’ici même, en France, leur démagogie sécuritaire ciblée accroît les tensions entre communautés, installe la suspicion, fait des musulmans, des Arabes et plus généralement des migrants d’hier et d’aujourd’hui des boucs émissaires. Et il ne suffit pas d’inviter des musulmans à une messe catholique ou l’inverse pour que s’arrêtent le racisme, la xénophobie et la méfiance qui pourrissent la vie sociale.
Les dirigeants politiques de la bourgeoisie ne peuvent pas trouver de solution à ce qu’ils appellent « la menace terroriste » parce que ce sont eux qui font problème. Ils se servent de la menace terroriste pour faire diversion, pour faire oublier le reste, la responsabilité du grand patronat dans la montée du chômage, la tombée d’un nombre croissant de travailleurs dans la pauvreté, la menace permanente d’une aggravation de la crise financière. Ne soyons pas dupes.
L’électorat populaire a toutes les raisons de se souvenir que Hollande avait mené sa campagne électorale en se prétendant « l’ennemi de la finance » pour constater aujourd’hui que le grand patronat et la finance ont rarement disposé à l’Élysée d’un serviteur aussi zélé.
Les travailleurs ont toutes les raisons de se souvenir de la promesse « d’inverser la courbe du chômage » alors que toutes les mesures du gouvernement socialiste visent à faciliter les licenciements et à supprimer dans le code du travail le peu qui constitue un frein à l’arbitraire patronal.
Hollande et les siens ne se donneront même pas la peine de faire à l’électorat populaire de fausses promesses auxquelles plus personne ne croirait. La prétendue lutte contre le terrorisme occultera tout. Tous les candidats qui ont une chance d’accéder à la présidence participent à cette escroquerie. L’électorat populaire aura le droit de choisir entre des clones débitant le même discours sur la sécurité. Il faut refuser cette comédie qu’on nous présente comme de la démocratie. Mais pas en se contentant de s’abstenir.
Le mouvement contre la loi travail a montré qu’une fraction au moins du monde du travail n’attend rien du gouvernement même s’il se prétend de gauche. Cet éveil de la conscience ouvrière est précieux pour l’avenir.
Il faut que cette conscience s’exprime aussi sur le terrain politique, à commencer par les élections présidentielle et législatives qui se préparent. Lutte ouvrière sera présente pour faire entendre le camp des travailleurs. Pour défendre les exigences matérielles des exploités face à la crise de l’économie capitaliste. Plus encore, pour exprimer la conscience de classe des travailleurs et leur fierté d’être ceux qui font fonctionner toute la société. La conviction aussi que, face à l’organisation capitaliste de la société, les travailleurs sont les seuls à incarner collectivement une autre perspective pour l’humanité : celle d’une société débarrassée de la dictature du grand capital, de l’exploitation, de la concurrence et de la barbarie que tout cela engendre.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 1er août 2016