Procès Kerviel : la Société générale mise en cause22/06/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/06/2499.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Procès Kerviel : la Société générale mise en cause

« La Société générale a laissé le champ libre aux velléités délictuelles de Jérôme Kerviel », « des négligences qui durent deviennent intentionnelles ». Telles ont été les conclusions de l’avocat général qui a appelé, vendredi 17 juin, le tribunal de Versailles à rejeter la demande de dommages et intérêts de 4,9 milliards d’euros formulée par la banque à l’encontre de son ancien employé.

Ce réquisitoire a conclu un procès dont les audiences ont permis de mettre en lumière les manœuvres de l’établissement bancaire pour influencer la procédure judiciaire. Ainsi, un enregistrement fourni par la policière qui avait enquêté sur l’affaire en 2008 permet d’entendre la magistrate qui avait classé sans suite les plaintes de Kerviel contre son ancien employeur. Elle y reconnaît notamment que la Société générale était parfaitement informée de ses opérations financières, et que toute l’enquête avait été bâclée, sa hiérarchie lui ayant intimé de ne pas « mettre en porte à faux la Société générale ».

Cette magistrate rappelait aussi qu’il n’y avait eu aucune expertise sur le montant des pertes déclaré par la banque, calculé sur les opérations faites à l’occasion de l’affaire Kerviel. En quelques jours, la Société générale s’était débarrassée de 60 milliards d’euros d’options sur les marchés financiers. Cela se passait quelques mois avant la crise financière de 2008. Les témoignages de l’ancien directeur du marché à terme des instruments financiers, ainsi que d’un ancien haut cadre d’une filiale de la Société générale, ont montré que les opérations financières réalisées à ce moment-là étaient bien loin de se limiter aux opérations de Kerviel. Ils ont notamment évoqué la possibilité que la banque ait eu d’autres traders prenant des positions opposées à Kerviel, récupérant ainsi d’un côté l’argent perdu de l’autre. Le montant déclaré de pertes aurait alors été fortement gonflé, en incluant une bonne partie des produits financiers pourris tels que des « subprimes », dont la banque se serait débarrassée en faisant porter le chapeau à Kerviel. « Si vous voulez vraiment savoir la vérité (…), faites faire une expertise, allez voir dans la comptabilité de la banque », a déclaré un de ces témoins.

On ne saura peut-être jamais la vérité. Mais ce n’est évidemment pas par naïveté que les autorités politiques ou judiciaires n’ont pas voulu mettre le nez dans le détail des spéculations de la Société générale. Les enregistrements dévoilent notamment comment, dans l’affaire Kerviel, la justice a fonctionné sous la coupe des avocats de la banque, qui allaient jusqu’à rédiger les réquisitoires du parquet. Et c’est sur la simple base des chiffres fournis par les patrons de la Société générale que l’État leur a fait un cadeau fiscal de plus de 2 milliards. Il n’y a pas que Panama qui soit un paradis pour les capitalistes.

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