Le ministre, les casseurs et l’air de la calomnie22/06/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/06/2499.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le ministre, les casseurs et l’air de la calomnie

Le 14 juin, les manifestants contre la loi travail et les commentateurs de bonne foi ont vu bien autre chose que les bris de vitrines décrits par les reportages complaisants des télévisions.

Les forces de police encadraient très étroitement le cortège, le précédant, le suivant, bloquant les rues adjacentes, massées sur les trottoirs tout au long de la manifestation. Comme chaque fois, un groupe informel précédait le carré de tête officiel, dans lequel quelques individus arboraient la panoplie complète du casseur. Mais, quand quelques-uns sortaient de ce groupe pour aller s’en prendre à une vitrine de banque, la police ne bougeait pas, y compris lorsque cela se passait sous son nez.

La raison officielle donnée pour ce fait maintes fois constaté est que la police n’agit pas sans ordre… Pourtant, si de l’intérieur de la manifestation une ou deux canettes partaient vers les rangs policiers, ces derniers n’attendaient pas les ordres pour répliquer immédiatement à coups de lacrymogènes. Les manifestants pouvaient alors à bon droit se demander pourquoi la police laissait agir les casseurs et gazait systématiquement les autres.

Des syndicalistes policiers ont clairement répondu. Pour un responsable du syndicat policier Alliance « cela visait à discréditer le mouvement social ». Et un élu du syndicat SGP-FO d’ajouter : « On n’a pas toujours mis les moyens qu’il fallait pour empêcher les casseurs d’agir ». On ne saurait être plus clair.

Le bilan réel de la casse est en fait heureusement assez minime, comparé par exemple à une rencontre fraternelle de supporters de football. Mais Valls et Cazeneuve ont agrémenté le récit, particulièrement à propos de l’hôpital Necker. Il semble qu’un seul individu ait été assez stupide pour s’en prendre aux vitres de l’hôpital. Cazeneuve en a fait une horde de barbares, s’acharnant, suprême lâcheté, sur les salles d’opérations de l’hôpital des enfants où se trouvait, comble de l’ignominie, le malheureux dont on venait d’assassiner les parents. Le ministre de l’Intérieur, suivi de quelques journalistes très complaisants, essayait ainsi d’amalgamer les manifestants contre la loi travail, le ou les quelques casseurs capables de dégrader la façade d’un hôpital, la peine des familles ayant un enfant dans cet hôpital, l’horreur suscitée par le meurtre des deux policiers et la compassion générale pour leur fils. Le procédé est tellement bas qu’il n’a tenu que le temps d’une soirée, mais il donne une idée des calomnies dont un ministre socialiste est capable pour accabler les travailleurs en lutte.

La casse en question n’est sans doute pas provoquée par le gouvernement, encore qu’on puisse parfois se le demander. Mais en tout cas il ne demande pas mieux que de s’en servir à ses propres fins. Ainsi l’activité de quelques individus que la police choisit de laisser agir donne une arme au pouvoir contre des centaines de milliers de manifestants et les millions de travailleurs qui les soutiennent. Il est vrai que cette arme, celle de la calomnie, est en fait de peu d’efficacité tant le mouvement semble légitime aux travailleurs et tant le gouvernement, à l’inverse, est vomi.

Car pour le monde du travail, les casseurs, les vrais, ce sont les patrons qui cassent les emplois et les conditions de travail, les ministres qui cassent le Code du travail et les conventions collectives. Ces casseurs-là causent à la société des dégâts bien plus graves que les vitrines brisées le 14 juin.

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