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Maroc : cinq mois de grève à Maghreb Steel
Les 12 et 17 mai, les grévistes de Maghreb Steel organisaient un sit-in devant le siège de la Banque populaire de Casablanca, impliquée dans le plan de restructuration de leur usine. En grève depuis décembre 2015, ils luttent pour la reconnaissance du droit syndical, le respect du Code du travail et la revalorisation des salaires.
Installée dans les environs de Casablanca, l’aciérie Maghreb Steel compte parmi les grands complexes sidérurgiques d’Afrique du nord. Fondée en 1975 par une famille de la bourgeoisie marocaine, la famille Sekkat, l’entreprise est passée sous le contrôle de plusieurs banques en 2010 suite à d’importantes difficultés financières. Ces difficultés n’ont pas affecté la famille Sekkat, qui a su opportunément diversifier ses activités, mais elles ont eu pour conséquence le licenciement de 500 ouvriers, parmi lesquels de nombreux ouvriers âgés, atteints d’incapacités chroniques ou de maladies professionnelles.
Les conditions de travail ont toujours été dures dans cette entreprise, depuis ses débuts où la production de tubes en acier galvanisé se faisait manuellement, jusqu’à aujourd’hui où les ouvriers travaillent avec des produits chimiques dangereux et des sources radioactives. Les accidents du travail sont nombreux, de même que les maladies professionnelles (maladies pulmonaires, accidents cardiaques, cancers), et souvent non déclarés. Les journées peuvent aller jusqu’à 12 heures, pour des salaires mensuels de 3 500 dirhams net (environ 350 euros alors qu’un loyer à Casablanca peut dépasser 200 euros).
En mars 2015, des ouvriers ont créé le syndicat UMT dans l’entreprise pour défendre leurs intérêts face aux attaques patronales de plus en plus nombreuses. Il a rapidement regroupé 1 200 adhérents, sur un total de 1 500 salariés. Lors des élections du personnel qui ont suivi, leurs candidats se sont tous fait élire. Une première grève de 24 jours a éclaté en août 2015 après le licenciement de 40 salariés adhérents au syndicat. Elle a abouti à la signature d’une charte sociale garantissant en théorie le respect du droit syndical, mais les attaques ont repris quelques mois plus tard.
Elles sont le fait d’Amar Drissi, le nouveau directeur engagé pour effectuer la restructuration de l’entreprise. Ce personnage est connu au Maroc, et plus largement en Afrique, pour être un spécialiste de la « casse » des syndicats. Il a déjà fait ce sale travail aux Charbonnages du Maroc, puis à la Centrale laitière, à la Cosumar, chez Lesieur, dans les phosphates…
Le 19 décembre 2015, le licenciement de sept salariés qui étaient à l’origine du syndicat a déclenché une nouvelle grève. 950 travailleurs ont arrêté le travail, bloquant totalement la production et investissant l’usine pendant trois jours. Aujourd’hui, plusieurs centaines d’entre eux sont toujours en grève et continuent les sit-in, devant l’aciérie, la préfecture de Casablanca, les banques impliquées dans le plan de restructuration, malgré les violences policières à leur encontre.
La direction joue l’usure. Elle ne paie plus les grévistes, mois de décembre compris, alors qu’ils n’ont commencé la grève que le 19 décembre ; elle a arrêté leur couverture maladie. Plusieurs grévistes ont été licenciés et sont poursuivis en justice sous l’accusation fallacieuse de sabotage des machines de production. La direction fait travailler des intérimaires et des CDD employés par d’autres entreprises pour remplacer les grévistes, en toute illégalité.
Pour les grévistes, il devient difficile de payer le loyer, d’envoyer les enfants à l’école, et même de subvenir aux besoins les plus élémentaires de la famille. Malgré tout, ils continuent à tenir bon, avec le soutien de leurs proches et de salariés d’autres entreprises.