Mai 1926 : la grève générale des ouvriers britanniques25/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/2495.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 90 ans

Mai 1926 : la grève générale des ouvriers britanniques

Traduit du journal du groupe trotskyste britannique Workers’ Fight (UCI).

Il y a quatre-vingt-dix ans, environ 1,7 million de travailleurs britanniques se mettaient en grève, en solidarité avec les mineurs de charbon lockoutés par les patrons des mines qui tentaient de leur imposer une baisse de salaire. Ce fut la première mobilisation générale de la classe ouvrière britannique.

La classe capitaliste était décidée à faire payer celle-ci pour la récession profonde qui frappait l’économie depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Pour résister aux attaques, les travailleurs auraient eu besoin d’une direction solide, c’est-à-dire de leur propre parti ouvrier. Le Parti travailliste, qui s’était mis au service de la classe capitaliste pendant la guerre de 1914-1918, n’était plus le parti dont les travailleurs avaient besoin. La seule alternative était le Parti communiste. Mais, bien qu’organisant de nombreux travailleurs dans ses rangs, ce parti restait faible.

Solidarité avec les mineurs !

Pour briser la résistance de la classe ouvrière, les patrons britanniques choisirent de s’attaquer d’abord aux secteurs les plus importants. Les mineurs, au nombre d’un million environ, étaient présents presque partout dans le pays et avaient une forte tradition militante. Le 30 avril 1926, les propriétaires des mines annoncèrent qu’ils allaient diminuer les salaires de 13,5 % et allonger la journée de travail. Le même jour, le gouvernement conservateur de Baldwin déclarait l’état d’urgence.

Face à un gouvernement qui ne voulait rien d’autre qu’une reddition rapide, le Congrès des syndicats, le TUC, n’eut d’autre choix que d’appeler à une grève « nationale », mais cela « à regret », soulignait l’appel officiel !

Dès le départ, il était clair que les dirigeants du TUC n’avaient proposé cette grève que comme un moyen de marchandage. Le Conseil général du TUC prit fermement en main la direction de la grève, sans que les divers syndicats réunis en son sein aient pu dire quoi que ce soit, ni à plus forte raison les adhérents des syndicats. Et si, en dépit de cela, la grève se transforma en une explosion militante, ce ne fut dû qu’à la détermination des grévistes eux-mêmes.

Le 3 mai, ce que le TUC appelait la « première ligne » était appelée à sortir. Il s’agissait des travailleurs des transports, de l’imprimerie, de l’acier, une partie du secteur de la construction, du gaz et de l’électricité. La « seconde ligne », celle des travailleurs de la construction navale, devait attendre une semaine de plus avant de se lancer à son tour, tandis que d’autres secteurs de travailleurs ne seraient même pas appelés à entrer en lutte !

Malgré tout, cela ne fonctionna pas exactement de cette façon. Dès le premier jour, des travailleurs de la « seconde ligne » se lancèrent dans la lutte eux aussi, ensemble avec des travailleurs qui n’étaient pas syndiqués. Le deuxième jour, 2,5 millions de travailleurs étaient engagés dans le mouvement. Le gouvernement avait organisé des petits bourgeois et des sans-emploi « volontaires » pour briser la grève et maintenir la plupart des services publics en fonction. Mais en dépit de la grande mobilisation de la police et de l’utilisation de véhicules blindés de l’armée, les piquets de grève firent ce qu’il fallait pour les mettre en échec.

Les comités d’action

Dans tout le pays, les grévistes les plus militants se servirent des trade councils, des structures syndicales locales ou de branches, comparables aux Bourses du travail, pour y mettre en place des comités d’action. Ceux-ci organisèrent la grève au niveau local, prenant souvent en charge des tâches comme le ravitaillement, les transports et l’autodéfense contre la police. Ces organes démocratiques de la grève auraient pu devenir la cellule de base sur laquelle bâtir une direction ouvrière alternative, pouvant remplacer les dirigeants du TUC, seulement en quête d’un compromis avec le gouvernement de Baldwin, et surtout ces comités auraient pu défier l’ordre capitaliste lui-même.

Le Parti communiste, dont les militants avaient joué un rôle dans la mise en place de ces comités, aurait pu être la force vive dans la construction de cette direction alternative, en dépit de sa faiblesse relative. Mais, sur instruction de Staline, sa politique consista à courtiser la « gauche » de la direction du TUC, faisant croire aux militants du PC que ces leaders « de gauche » pourrait conduire le Conseil général sur un chemin plus radical.

Mais bien sûr, ce n’est pas ce qui arriva. Le 13 mai, le TUC déclara qu’il avait « obtenu l’assurance qu’une solution du problème des mines allait intervenir ». Cette assurance n’était qu’un mensonge. Le lock-out des mineurs continua et la classe capitaliste poursuivit l’offensive contre chaque secteur de la classe ouvrière, l’un après l’autre.

Néanmoins, l’expérience de la grève de 1926 montra l’immense potentiel de combativité de la classe ouvrière, un potentiel encore plus important aujourd’hui car encore plus étendu. Elle montra aussi la nécessité pour les travailleurs, lorsqu’ils entrent en lutte, de mettre sur pied leurs propres organes démocratiques pour diriger leur combat. À partir de ces organes peut se créer une direction sur laquelle les travailleurs puissent compter, capable de libérer leur force collective en échappant au carcan maintenu par les dirigeants des syndicats, seulement intéressés à maintenir le statu quo avec l’ordre capitaliste.

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