Irlande, 24 avril 1916 : l’insurrection de Pâques à Dublin20/04/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/04/2490.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 100 ans

Irlande, 24 avril 1916 : l’insurrection de Pâques à Dublin

Cet article est extrait du mensuel Workers’ Fight d’avril, publié par l’organisation trotskyste britannique du même nom.

Le 24 avril 2016 marque le centenaire du premier soulèvement armé survenu au 20e siècle contre l’impérialisme britannique. Le lundi de Pâques 1916, des détachements armés composés, les uns, par les travailleurs de l’Irish Citizen Army (ICA – Armée citoyenne irlandaise) et, les autres, par les nationalistes petits-bourgeois de l’Irish Republican Brotherhood (IRB – Fraternité républicaine irlandaise), prenaient le contrôle de la ville de Dublin et proclamaient une République d’Irlande indépendante.

Cet événement marqua une nouvelle étape dans la lutte de la plus ancienne colonie britannique pour son émancipation nationale. Mais il fut bien plus que cela. Survenant au milieu de la Première Guerre mondiale, dans le pré carré de l’une des principales puissances belligérantes, il était un avertissement pour toutes les classes capitalistes européennes.

L’Irish Citizen Army, une milice ouvrière

L’insurrection de Pâques marqua aussi la première intervention de la classe ouvrière irlandaise sous son propre drapeau dans la lutte contre la Grande-Bretagne. Mais ce n’était pas la première fois qu’elle intervenait sur la scène politique. L’ICA était née au cours du plus brutal et du plus long conflit industriel du début du 20e siècle en Europe : le lock-out de 1913 à Dublin.

En août 1913, le syndicat des travailleurs des transports de Jim Larkin démarra une grève contre la Compagnie des tramways de Dublin, qui refusait à ses travailleurs le droit de se syndiquer. La grève s’étendit jusqu’à impliquer 20 000 travailleurs sur tout Dublin. Les patrons de la ville contre-attaquèrent par un lock-out de cinq mois et une répression féroce. Cela amena Larkin à demander à un de ses camarades socialistes, James Connolly, de former une milice de défense ouvrière, l’ICA, pour parer aux attaques de la police. Lors de manifestations ou de piquets de grève, un certain nombre d’ouvriers avaient été tués ou sérieusement blessés par des attaques de celle-ci, même jusque dans leurs maisons. « Le premier et dernier principe » de la création de l’ICA fut que « le pouvoir moral et matériel en Irlande revient de droit au peuple irlandais », et son principal objectif celui « d’armer et d’entraîner tout Irlandais capable de porter des armes pour appuyer et défendre ce premier principe ».

La grève fut finalement défaite et les travailleurs furent poussés par la famine à reprendre le travail. Mais l’ICA continua d’exister en tant que milice ouvrière socialiste et militante, que Lénine décrira plus tard comme « la première Armée rouge en Europe ».

Des dirigeants socialistes internationalistes

Quand la Première Guerre mondiale éclata, Connolly, Larkin et leurs camarades se retrouvèrent aux côtés de la minorité des socialistes révolutionnaires européens qui dénonçaient le caractère impérialiste de cette guerre et appelaient la classe ouvrière à la combattre.

De plus, aussi bien l’ICA que les nationalistes de l’IRB virent dans la guerre une chance de porter un coup à l’impérialisme britannique, ce qui les conduisit à élaborer un plan commun en vue d’une insurrection. Pour Connolly, il s’agissait uniquement d’une alliance de circonstance. Contrairement à l’IRB, dont le but se limitait à l’indépendance de l’Irlande, il espérait que la classe ouvrière irlandaise serait capable « d’allumer la torche qui mettra le feu à toute l’Europe et ne s’arrêtera de flamber que lorsque le dernier trône et les derniers privilèges et obligations capitalistes se seront consumés sur le bûcher funéraire du dernier seigneur de guerre ».

Contrairement au nationalisme étroit de l’IRB, la vision de Connolly était internationaliste et, pour lui, les intérêts de la classe ouvrière irlandaise se confondaient avec ceux de la classe ouvrière mondiale.

Les Pâques sanglantes

Le jour convenu pour l’insurrection, le lundi de Pâques 1916, les insurgés s’emparèrent des principaux bâtiments publics de Dublin, dont la poste centrale. Les 1 600 miliciens durent affronter une police forte de 2 500 hommes lourdement armés et qui, jour après jour, se renforça par l’arrivée d’autres troupes. L’insurrection fut vaincue au bout de six jours, écrasée sous l’artillerie lourde de l’armée britannique, qui causa d’importants dégâts et surtout nombre de victimes civiles.

La répression fut brutale, à la hauteur de la crainte du gouvernement britannique. La loi martiale fut décrétée sur tout le pays, quinze dirigeants de l’insurrection furent fusillés dans les jours suivant la fin des combats, dont Connolly qui, gravement blessé, fut exécuté assis sur une chaise. Plus de 3 000 hommes furent arrêtés et emprisonnés en Angleterre.

Aujourd’hui, en Irlande, le seul hommage rendu aux victimes du soulèvement de Pâques consiste à agiter le drapeau tricolore irlandais et à chanter des hymnes nationalistes devant un parterre de politiciens qui défendent les mêmes intérêts capitalistes que ceux que l’ICA avait combattus lors du lock-out de Dublin.

Les révolutionnaires, eux, doivent garder en mémoire que cette insurrection fut une tentative de la classe ouvrière irlandaise de changer le cours de l’histoire, en se levant en pleine guerre mondiale, dans l’espoir d’allumer l’étincelle de la révolution qui abattrait le système qui l’avait provoquée. Ce fut un échec, mais d’autres allaient réussir, moins d’un an plus tard. Quand la classe ouvrière russe renversa le régime tsariste, elle déclencha une vague révolutionnaire dans toute l’Europe, rendant ainsi le plus bel hommage possible aux victimes de l’insurrection de Pâques.

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