Une loi contre les droits collectifs06/04/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/04/p05_Lupo_code_du_travail.png.420x236_q85_box-0%2C163%2C649%2C529_crop_detail.png

Leur société

Une loi contre les droits collectifs

Derrière sa pléthore d’articles et de remises en cause des droits des travailleurs… petites, grandes ou très grandes, la loi travail vise à fixer dans les textes un affaiblissement général du monde du travail face à ses exploiteurs. C’est ce que les spécialistes du droit du travail appellent l’inversion des normes.

Illustration - Une loi contre les droits collectifs

Derrière ce nom pompeux, il y a une réalité que tout le monde peut comprendre. Depuis plus d’un siècle, la loi établissait les droits reconnus à tous les salariés du pays. De même, les conventions collectives établissaient les droits reconnus à tous les salariés d’une branche, qu’ils travaillent dans une grande entreprise ou dans une petite. Autrement dit, aucun accord ne pouvait être inférieur à ce qui était reconnu dans la convention collective et celle-ci ne pouvait être inférieure à la loi.

Même s’il avait déjà plusieurs remises en cause partielle de ce principe, avec la loi El Khomri, c’est le contraire qui deviendrait en grande partie la règle. La loi ou la convention collective serait le maximum de ce à quoi pourrait prétendre chaque salarié, laissant les patrons libres d’accorder ce qu’ils veulent, entreprise par entreprise, voire établissement par établissement. Ce serait un principe destructeur sur le plan matériel bien évidemment mais, peut-être plus grave encore, sur le plan moral et sur celui de la conscience collective. Et c’est bien ce service que souhaitent rendre aux patrons les hommes et femmes du Parti socialiste au pouvoir.

En effet, la loi permettrait de remettre en cause des droits inscrits dans le Code du travail, par le biais d’accords société par société, usine par usine, bureau par bureau. Cela ouvrirait la porte à tous les chantages, à toutes les remises en cause, à la mise en concurrence des travailleurs les uns avec les autres.

Même si c’est déjà en partie la réalité, ce serait amplifié à une échelle considérable. Chaque fois qu’un patron menace de fermer une usine, il avance le prétexte de la concurrence, la fameuse compétitivité, en déclarant à ses salariés : « Vous coûtez trop cher. Si vous n’acceptez pas d’abandonner vos salaires, vos congés, de travailler sans être payés, vous serez jetés à la rue. » Et c’est déjà sous cette pression patronale que des reculs multiples ont été imposés, souvent en violation de la loi, comme l’a fait, par exemple, Mercedes chez Smart à Hambach. Cela fait bien longtemps que les employeurs, et les plus grands d’entre eux en tête, que ce soit dans l’automobile ou à La Poste, ne se privent pas de faire ce type de pression. La nouvelle loi viendrait les aider, en retirant les quelques obstacles qu’ils peuvent rencontrer.

Depuis qu’il existe, le mouvement ouvrier s’est battu pour affirmer l’unité de ses intérêts, pour montrer que le combat des uns était le combat de tous. Et c’est en avançant des revendications communes que les militants ouvriers ont fait croître cette conscience.

L’exemple le plus marquant fut le combat pour la journée de huit heures, qui fut mené au même moment par-delà les frontières et sur tous les continents. En France, la grève générale de juin 1936 imposa les conventions collectives, marquant l’unité des objectifs recherchés par les travailleurs en lutte.

Vouloir faire que les droits se décident entreprise par entreprise, en faisant de fait cause commune avec le patron, c’est vouloir imposer une régression, chercher à obscurcir les consciences, revenir à la jungle du début du capitalisme. Il ne faut pas le permettre.

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