Pour les travailleurs, la crise06/04/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/04/2488.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pour les travailleurs, la crise

Pendant que les politiciens brésiliens se disputent pour le pouvoir, le partage des postes, des marchés publics et de l’argent qui va avec, le monde du travail, les ouvriers, les employés, les petites gens, s’enfonce dans la crise.

Les années de Lula à la présidence (2003-2010), si profitables qu’elles aient été pour les grandes entreprises agroalimentaires, minières, de l’automobile, du BTP et pour les banques, ont laissé un bon souvenir à la population modeste. Des millions d’emplois ont été créés, le salaire minimum a plus que doublé, les travailleurs âgés de la campagne ont eu droit à une petite retraite et les familles les plus pauvres ont bénéficié de programmes d’aide. Le premier mandat de Dilma Rousseff à la présidence (2011-2014) a poursuivi sur cette lancée.

À partir de 2014 les choses se sont gâtées. Certains gros clients du Brésil, et en particulier la Chine, ont été touchés par la crise et ont réduit leurs achats de minerais et de produits agricoles, entraînant récession et chômage.

Aujourd’hui, l’économie va mal. Le Brésil est classé en catégorie spéculative par les agences de notation. Le produit intérieur brut a reculé de 3,8 % en 2015 et on s’attend à la même chose cette année.

Les plans de licenciements se multiplient. À Sao Bernardo, ville de la banlieue de Sao Paulo qui est depuis toujours le fief de Lula, 2 000 travailleurs de l’usine Volkswagen sont suspendus de contrat de travail et menacés de licenciement. Du coup, le président du syndicat, venu défendre Dilma Rousseff, s’est fait huer par l’assemblée des travailleurs. De même, en un an et demi, la compagnie pétrolière nationale Petrobras a licencié sur ses multiples chantiers 128 000 travailleurs sous-traitants. D’autres entreprises impliquées dans des scandales de corruption font de même. Dans le BTP, un demi-million d’emplois ont été détruits en 2015. Le chômage dépasse 9 % et touche 9 millions de personnes. Ce chiffre a augmenté de près de 2 millions en un an, dans un pays où nombre de salariés n’ont jamais signé de contrat de travail et ne sont donc pas répertoriés.

Le pouvoir d’achat est rongé par l’inflation, qui dépasse les 10 %. Le gouvernement a annoncé fin mars une loi prévoyant l’annulation de l’augmentation automatique du salaire minimum ainsi que des licenciements de fonctionnaires. Le projet vise à réduire les dépenses de l’État et à dégager de l’argent pour le paiement de la dette publique, mais c’est aux travailleurs qu’il s’en prend.

Quant aux attaques contre la santé, les hôpitaux, la Sécurité sociale, les retraites, les transports et l’enseignement public, elles sont habituelles. Même l’opposition de droite se paie le luxe de les dénoncer, elle qui à coup sûr les aggraverait. Les privatisations aussi se poursuivent, en particulier dans le secteur pétrolier.

Et pour couronner le tout, le gouvernement a publié le 18 mars une loi antiterroriste qui lui permettra, sous les prétextes les plus flous, de réprimer tout mouvement social, toute manifestation. L’opposition de droite l’a votée des deux mains. Pour elle, tout ce qui permet d’exploiter ou de réprimer davantage les travailleurs est pain bénit.

Face à cette situation, la classe ouvrière est désorientée. Les cadres syndicaux et certains salariés défendent le gouvernement et la présidente. D’autres ont participé aux manifestations appelées par la droite contre la corruption. Les manifestations appelées à la fois contre la droite et contre le gouvernement, et pour que les riches paient la crise, n’ont réuni qu’une minorité de travailleurs. C’est pourtant de ce côté-là qu’est l’avenir.

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