Paradis fiscaux : les milliards cachés du capital06/04/20162016Journal/medias/journalarticle/images/2016/04/p09_Lupo_insouciance.png.420x236_q85_box-0%2C8%2C862%2C493_crop_detail.png

Dans le monde

Paradis fiscaux : les milliards cachés du capital

Partant d’une fuite recueillie par un journal allemand, un consortium international de journalistes a commencé à dépouiller des informations contenues dans plusieurs millions de fichiers provenant d’archives de la société panaméenne Mossack Fonseca, spécialisée dans l’évasion fiscale. Un tout petit coin du voile opaque de la finance et de l’économie mondiale se soulève.

Illustration - les milliards cachés du capital

Après les précédentes révélations suite à des fuites (leaks en anglais), comme celles dites d’OffshoreLeaks en 2013, de LuxLeaks en 2014 ou encore SwissLeaks en 2015, il s’agirait là de la plus grosse source d’informations sur les paradis fiscaux. Et plus d’une centaine de journaux dans le monde ont révélé au même moment des noms de particuliers, d’entreprises financières ou industrielles, voire de partis politiques, ayant eu recours aux services de Mossack Fonseca.

La presse française a ainsi révélé que des chefs d’État étaient, eux-mêmes ou par leurs proches, de bons clients du cabinet panaméen. C’est le cas du russe Poutine et de l’ukrainien Porochenko, comme du syrien Assad, du saoudien Ben Nayef, ou encore du roi du Maroc Mohamed VI. On voit que ceux qui se font la guerre par peuples interposés savent utiliser les mêmes combines pour mettre à l’abri les sommes qu’ils extorquent à leur population.

Il y a aussi des stars près du football d’hier, comme Platini, ou d’aujourd’hui, comme Messi ; et des dirigeants politiques français de tous les grands partis, comme l’ancien ministre Cahuzac, le responsable du PS des Bouches-du-Rhône Guerini, le député Les Républicains Patrick Balkany ou encore Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen, et un des responsables de sa campagne présidentielle de 2012. Mais pour ceux-là, empêtrés jusqu’au cou dans les affaires, il faut avouer qu’il ne s’agit pas vraiment de révélations.

De très grandes banques sont nommées : UBS, le Crédit suisse, HSBC et aussi la Société générale. Depuis 1977, cette dernière aurait créé 979 sociétés offshore via Mossack Fonseca. Cette fois-ci le nom des autres banques françaises n’apparaît pas, en tout cas pas pour l’instant. Mais il faut se rappeler que, lors des révélations dites d’OffshoreLeaks en 2013, BNP Paribas et le Crédit agricole étaient au tableau de chasse des journalistes d’investigation.

Sans doute ce cabinet est-il réputé mondialement et le Panama est-il une des plaques tournantes parmi les plus actives de l’évasion fiscale. Un professeur de droit de l’université du Panama disait d’ailleurs aux journalistes d’investigation : « Au Panama, en matière de blanchiment, on fait tout : on lave, on rince et on sèche. » Mais on ne parle encore là que d’une seule société dans un seul paradis fiscal !

Il est notable aussi qu’on ne retrouve quasiment pas de noms de très grosses fortunes des pays riches. En effet, pour la France, seul le nom du financier des télécoms Patrick Drahi a été révélé. Cela illustre justement à quel point il ne s’agit que d’une toute petite partie de la réalité de la fraude fiscale. Esquiver l’impôt est un sport national pour chaque bourgeois, petit ou grand. Et, à ce jeu, les plus riches et plus puissants ont des moyens performants pour éviter d’être sous les projecteurs, même en cas de fuite massive.

En 2009, après la crise financière, Sarkozy déclarait, au diapason de tous les autres chefs d’État : « Le temps du secret bancaire est révolu » et « Il n’y a plus de paradis fiscaux ». Sept ans plus tard, le gouvernement de Hollande a décidé de réagir vigoureusement aux dernières révélations, en réinscrivant Panama sur la liste noire des pays non coopératifs. Les évadés fiscaux doivent trembler !

Dans cette affaire, les États et les grosses fortunes font semblant de jouer au chat et à la souris. Les États aimeraient récupérer une partie de l’impôt qui leur échappe mais, en même temps, ils font tout pour choyer leurs milliardaires. Et, bien plus encore, ils ne savent pas faire autre chose, devant la crise économique profonde de leur système, que de laisser la spéculation se développer. Car tous savent très bien que les paradis fiscaux sont un des rouages essentiels de cette spéculation financière.

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