- Accueil
- Lutte ouvrière n°2487
- À la SNCF : la force des travailleurs, c’est d’être « tous ensemble »
Dans les entreprises
À la SNCF : la force des travailleurs, c’est d’être « tous ensemble »
L’attaque que constitue la loi travail va de pair avec la démolition de la réglementation du travail des cheminots. En effet le gouvernement a préparé un décret-socle destiné à servir de base à la réglementation dans la branche ferroviaire. Or ce décret est une attaque sans précédent sur les horaires, les amplitudes de travail, le nombre de repos.
C’est le quotidien des cheminots, leur santé, leur sécurité et celle des voyageurs qui seront touchés par cette double attaque. Le patronat du ferroviaire, dont la SNCF au premier chef, ne s’en cache pas : son objectif est d’augmenter la productivité de 30 % sur le dos des travailleurs.
Après le succès de la grève du 9 mars, y compris chez des cadres et dans la maîtrise, la direction a fourni un argumentaire à son encadrement. Il consiste à dire que le décret-socle sera complété par une convention collective au niveau de la branche et un accord d’entreprise au niveau de la SNCF. Cela, pour tenter de désolidariser les cheminots des travailleurs des autres secteurs.
Mais quand les fondations d’un bâtiment sont pourries, on ne dit pas « Oui, mais attendez de voir les étages supérieurs ». Surtout, aucun travailleur ne peut imaginer que la direction SNCF signera un accord plus favorable que la loi, au moment où l’ensemble du Code du travail est taillé en pièces. La SNCF est en train d’organiser la généralisation de l’ouverture à la concurrence dans toutes ses activités et dans toutes les régions, avec la création de plus en plus de filiales concurrentes basées sur le décret-socle. Sous prétexte de perte de marchés, la direction risque alors de ne donner aux agents SNCF que le choix entre changer d’emploi, de région, ou accepter de travailler dans ses filiales, avec des reculs sociaux conséquents. C’est ainsi que, dans le fret, la SNCF a créé sa propre concurrence de droit privé… avec des salariés privés de droits.
Pour beaucoup de cheminots, d’évidence une seule journée comme le 31 mars ne peut suffire : c’est donc vers un mouvement d’ensemble qu’il faut aller et il reviendrait aux directions syndicales de le préparer, de l’organiser, d’appeler à se mobiliser dans ce sens.
Mais la stratégie des fédérations syndicales cheminotes n’est pas celle-là. Celle dont le poids est le plus important à la SNCF, la CGT, a même mis le pied sur le frein. Dans un courrier adressé à ses syndicats et daté du 18 mars, Gilbert Garrel, secrétaire général de la fédération CGT cheminots, a douché les espoirs des militants qui espéraient se servir du 31 mars pour aller vers un mouvement de riposte interprofessionnel. Garrel martèle que « le 31 mars ne peut pas être la suite du 9 mars » et que les « cheminots y tiendront leur place et rien que leur place ». Il s’oppose à tout appel à la grève reconductible le 31 et ajoute : « Quelle que soit l’issue du mouvement social contre la loi El Khomri, n’oublions pas que des échéances nous attendent à la mi-mai et, là, il faudra construire une mobilisation de très haut niveau, qui pourra prendre des formes supérieures à la grève carrée de 24 heures. » Plutôt que de convaincre les cheminots que leur sort est lié à celui de l’ensemble des travailleurs, Garrel cherche donc à les déconnecter de la riposte à la loi El Khomri, à les isoler autant sur le plan du calendrier que sur le plan des revendications.
Pourtant, en 1995, les cheminots avaient fait reculer à la fois le gouvernement sur la réforme des retraites et la SNCF sur un contrat de plan de suppressions des postes, en étant le fer de lance d’un mouvement « Tous ensemble ! ». Aujourd’hui aussi, l’avenir des cheminots est lié au rapport de force général entre le monde du travail et le patronat.