Syrie : trêve précaire dans un pays détruit02/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2483.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Syrie : trêve précaire dans un pays détruit

Dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 février a commencé en Syrie une trêve entre le régime et la rébellion, conformément au plan annoncé quelques jours plus tôt par des représentants des États-Unis et de la Russie.

Sur le terrain, après quelques jours, un calme précaire semblait tenir. La trêve ne concerne pas plus de la moitié du territoire syrien : pas les régions tenues par les groupes djihadistes, entre autres le front al-Nosra (la branche syrienne d’al-Qaida) et l’organisation État islamique. Mais dans les provinces centrales d’Homs et Hama, de Damas ou d’Alep, les habitants peuvent à nouveau sortir pour tenter d’acheter des produits de première nécessité et les enfants sont autorisés à courir dehors, même si c’est au milieu des ruines. L’ONU a annoncé l’envoi de convois humanitaires pour venir au secours des centaines de milliers d’habitants restés prisonniers au cœur des zones d’affrontement. Ailleurs, les raids de la Russie et de la coalition internationale derrière les États-Unis continuent, dont l’un a fait douze morts dont 8 enfants.

La trêve s’insère dans les tentatives des grandes puissances de retrouver un semblant de stabilité en Syrie, et plus largement dans cette région du Moyen-Orient où leurs interventions successives n’ont fait qu’aggraver le chaos et provoquer le renforcement de multiples groupes djihadistes. L’intervention de la Russie au côté du régime d’Assad, depuis l’automne 2015, est venue en fait au secours des États-Unis, pour leur permettre de sortir d’une situation qu’ils ne contrôlaient plus.

Comme Poutine s’est engagé à le faire auprès du régime syrien, les États-Unis cherchent, à travers cette pause dans les affrontements, à imposer leur politique à leurs propres alliés dans la région. Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, les États voisins, aujourd’hui unis dans la coalition derrière Washington, ont chacun joué leur propre jeu. L’Arabie saoudite, qui s’affirme maintenant prête à une intervention militaire sur le terrain, a surtout soutenu et armé les groupes s’opposant à l’influence de l’Iran, son rival dans la région. Dans le même temps, les États-Unis comptaient de plus en plus sur le rétablissement de ses relations avec le régime de Téhéran pour aboutir à un semblant d’ordre en Syrie et en Irak. L’autre allié de poids des États-Unis dans la région, la Turquie, s’est comporté en complice de l’organisation État islamique et a donné la priorité à la lutte contre les Kurdes de Syrie, alliés du PKK contre lequel elle est en guerre sur son propre territoire. À l’opposé, Washington comptait s’appuyer sur les milices kurdes contre l’État islamique.

Le cessez-le-feu impose à ces alliés des États-Unis de mettre en sourdine leur double-jeu ; on peut se demander pour combien de temps. Si la trêve prévue pour au moins quinze jours dure un peu, elle sera au moins un soulagement provisoire pour les populations sur place. Près de 300 000 personnes ont déjà perdu la vie depuis le début du conflit, plus de 10 millions ont dû fuir leur foyer et 4,5 millions s’exiler à l’étranger. Bon nombre de Syriens sont aujourd’hui menacés de famine au cœur des grandes villes où s’affrontent depuis maintenant cinq ans les cliques en rivalité pour le pouvoir.

Leurs affrontements, la politique du régime et les interventions des puissances impérialistes auront ainsi abouti à réduire la population syrienne à fuir les bombardements ou à vivre au milieu des ruines. De la contestation née en 2011 à la suite des « printemps arabes », il ne reste rien, sinon le choix entre subir l’infâme dictature d’Assad ou subir les exactions de mouvements islamistes n’aspirant qu’à imposer un régime encore pire.

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