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Leur société
Tribunal de Bobigny : la grande misère de la justice
Lundi 15 février, avocats, magistrats, employés du tribunal de grande instance de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, ont organisé une conférence de presse pour alerter sur la pénurie de moyens humains et matériels.
Au 1er janvier, il manquait 24 juges à temps plein sur 124 postes prévus, 9 procureurs sur 53 et 75 postes sur 367 employés de diverses catégories. À cela s’ajoutent les problèmes matériels : fuites d’eau, mauvais fonctionnement du chauffage et même manque de stylos, d’enveloppes, que souvent les greffiers doivent acheter de leur poche. Tout contribue à ralentir les procédures, et devant l’accumulation des dossiers, en décembre dernier la présidence du tribunal a décidé de reporter 20 % de ses audiences prévues en 2016.
Les délais d’attente sont tels qu’il peut y avoir prescription, ce qui fait bien l’affaire de certaines entreprises alors que, selon une magistrate, « la cybercriminalité économique et financière est en forte hausse dans un département qui accueille de plus en plus de sièges sociaux ». Mais l’impact le plus fréquent concerne le plaignant ordinaire : les locataires qui demandent un sursis à expulsion et qu’on convoque alors qu’ils sont expulsés depuis longtemps ; des parents en instance de divorce qui attendent deux à trois ans une décision dont dépendent la pension alimentaire, le droit de visite, l’obtention d’un logement social ou une allocation de parent isolé, etc. Dix mille dossiers de ce genre sont en souffrance dans les armoires des juges aux affaires familiales.
Pour les crédits impayés, les dettes de cantine ou de loyers, quand on arrive enfin à l’audience, on a souvent droit à six minutes, plaidoirie comprise. La justice réussit à être à la fois lente, expéditive et chère pour le plaignant. La situation est particulièrement critique à Bobigny, deuxième tribunal du pays, dans un département de plus en plus peuplé. Mais le constat est le même dans bien d’autres tribunaux.
Les avocats du barreau de Seine-Saint-Denis ont décidé d’attaquer l’État en « déni de justice » et de rassembler, d’ici le 8 mars, des dizaines d’assignations au nom de leurs clients lésés par les délais insupportables. Le ministère de la Justice promet de redéployer des moyens financiers et quelques centaines de vacataires, ce qui signifiera sans doute retirer d’un côté ce qu’on donne ailleurs.