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Migrants : hécatombe aux portes de l’Europe
Les images sont atroces : un reporter turc a trouvé le corps d’un tout petit garçon sur une grève, près du village de Bademli, dans la province d’Izmir, le 30 janvier. L’enfant fait partie des 37 personnes qui sont mortes noyées à quelques centaines de mètres de la côte turque, la coque de noix qui transportait des migrants, syriens, afghans ou birmans, ayant coulé lors de la tentative de joindre l’île grecque de Lesbos. Des habitants s’étaient joints aux gardes-côtes et aux plongeurs pour tenter de les sauver.
Rien que dans ce secteur, deux jours plus tôt, le 28 janvier, vingt-quatre personnes se noyaient et onze disparaissaient au large des côtes nord de Samos. Le 27, c’étaient sept autres au large de Kos. Les jours précédents, 45 corps étaient retrouvés dans la même zone. Le 2 février, une embarcation chavirait au large de la Turquie, en route pour Samos, faisant au moins neuf morts. Selon les dernières statistiques de l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, tandis que 62 000 personnes parvenaient à traverser pour gagner la Grèce, 272 autres se sont noyées en janvier dans cette zone de la mer Égée. Plus des quatre cinquièmes, évidemment, venaient de zones de guerre.
Où s’arrêtera l’hécatombe ? Alors que, lors du sommet prétendu d’urgence de Bruxelles en octobre dernier, 26 États européens s’étaient dits prêts à relocaliser en deux ans 160 000 des migrants parvenus en Grèce et en Italie, seules 4 237 places ont été déclarées disponibles dans dix-sept pays, et seuls 459 réfugiés ont été relocalisés dans dix pays. Pourtant, les mêmes causes produisant les mêmes effets, chaque jour voit des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants fuir la guerre et ses horreurs, qui ne trouvent le plus souvent, s’ils échappent aux tourments du voyage, que des barbelés et des murs érigés pour les rejeter.
Tandis que des États durcissent les conditions d’accueil, notamment en rejetant de plus en plus de demandes d’asile, le président néerlandais de l’UE prévoit de renvoyer en Turquie – qui accueille déjà 2,5 millions de réfugiés – tous ceux qui sont interceptés en mer Égée. L’UE a parallèlement déclaré se pencher sur une évaluation des procédures de contrôle aux frontières entre la Grèce et le reste de l’Europe, désignant clairement ce petit pays comme responsable d’une situation que les grands refusent d’affronter. La conclusion risque fort d’être un retour aux contrôles à l’intérieur de l’espace Schengen, la France, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Suède et la Norvège ayant déjà rétabli ceux-ci, temporairement paraît-il, jusqu’en mai 2016.
Et, comme l’hypocrisie règne en maître dans ces sphères de grands commis de la bourgeoisie qui dirigent une des régions les plus riches du monde, les expulsions collectives par charters se multiplient, même interdites par leurs propres conventions des droits de l’homme, mais en accord avec leur morale, puisque les expulsés auraient « fait l’objet d’un examen individuel de leur demande au préalable ».
Forçant à peine le trait de l’attitude de leurs collègues au gouvernement, des politiciens réactionnaires surenchérissent dans leurs déclarations xénophobes. Tel ce gouverneur belge de Flandre occidentale qui vient de lancer aux habitants qui ont apporté de la nourriture à des réfugiés squattant à Zeebrugge : « Ne nourrissez pas les réfugiés, sinon d’autres viendront ! » À quelques semaines d’élections régionales dans le sud-ouest et le centre de l’Allemagne, le vice-chancelier social-démocrate Sigmar Gabriel propose de durcir les conditions du regroupement familial, pour faire face aux 2 000 arrivées quotidiennes de migrants en Allemagne.
Europol, la police européenne, pourra s’inquiéter ensuite de la disparition sur le territoire européen de 10 000 enfants réfugiés non accompagnés, en l’espace de deux ans. Mais qui a créé, qui entretient les conditions du trafic d’êtres humains ?