Agriculteurs : la colère est toujours là03/02/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/02/2479.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Agriculteurs : la colère est toujours là

Mardi 2 février, alors que Xavier Beulin, président de la FNSEA, le principal syndicat agricole, était reçu par Hollande, les agriculteurs reprenaient leurs actions. Des barrages routiers, des blocages de sites, des manifestations se déroulaient du Pas-de-Calais aux Bouches-du-Rhône, de la Normandie à la Beauce et, bien entendu, en Bretagne.

Depuis deux semaines, les agriculteurs de cette région, confrontés à la baisse des cours du porc, du lait et de la viande bovine, ont multiplié les actions coup de poing. Celles de ces dernières semaines à l’appel de la FNSEA reflètent la contestation grandissante chez des agriculteurs dont les revenus s’effondrent. Ils vendent leur porc moins de 1,10 euro le kilo, alors que le gouvernement avait promis un minimum de 1,40 euro. Le prix de la tonne de lait a perdu 60 euros et celui de la viande bovine a baissé de 50 centimes par kilo. Il est bien difficile de savoir combien d’agriculteurs sont réellement au bord de la faillite, mais ils ne pourront subir une telle baisse des cours très longtemps.

Les industriels et la grande distribution sont de plus en plus en mesure d’imposer leurs prix aux agriculteurs. Les banques se paient sur la bête en coupant les vannes du crédit. Les coopératives collectent le lait sans le payer, pour se rembourser des dettes trop importantes. Face à ces pressions, les agriculteurs revendiquent aujourd’hui le protectionnisme, le « consommons français ». Mais les éleveurs bretons font partie du marché mondial, comme tous les producteurs. D’où viennent donc leurs machines, leurs ordinateurs, leurs tracteurs, leur énergie ? Et où partent leurs poulets, leur lait, leur viande ? S’il fallait « consommer français », la production de choux-fleurs bretons devrait être sur les tables à tous les repas.

Les 290 millions d’euros d’aides annoncés par l’État cet été sont en fait une subvention déguisée aux groupes acheteurs, mettant les éleveurs pour quelque temps sous respiration artificielle. Cela ne peut les satisfaire.

Mardi 2 février, à la sortie de l’Élysée, Xavier Beulin, certainement informé des manifestations en cours, a déclaré ne pas vouloir demander « à des gens qui perdent 6 000 euros par mois de rentrer chez eux ». Il a une nouvelle fois plaidé pour une baisse des charges sociales payées par les agriculteurs et a ajouté que Hollande l’avait entendu. Pour tous les deux, cette revendication a le triple avantage d’épargner les capitalistes de la transformation et de la distribution, d’être un cadeau supplémentaire aux gros paysans qui emploient des salariés, dont Beulin lui-même, et de coller à la mode réactionnaire du prétendu travail trop cher. Mais elle ne résoudra aucun des problèmes des petits éleveurs, même temporairement.

Les éleveurs, de Bretagne et d’ailleurs, sont de petits entrepreneurs, des fantassins de la libre entreprise, sacrifiés par leurs propres généraux dans la bataille pour le profit. Ils ont évidemment raison de dire que leur travail est nécessaire et d’exiger de pouvoir en vivre correctement. Mais ils ne pourront y parvenir réellement que dans un monde libéré de la loi du capital.

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