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Leur société
Commémoration : Hollande, digne héritier de Mitterrand
Hollande multiplie les commémorations. Après celles organisées à la mémoire des victimes des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, il devait se recueillir le 8 janvier à Jarnac sur la tombe de François Mitterrand, mort il y a tout juste vingt ans.
Hollande, qui s’emploie à solder ce qu’il lui reste de « valeurs de gauche » pour draguer les électeurs de droite en vue de la présidentielle de 2017, ne se trompe pas de cible en invoquant les mânes de Mitterrand. Passé à la postérité pour avoir ramené la gauche au pouvoir en 1981, après avoir pris la tête du Parti socialiste moribond en 1971, Mitterrand fut avant tout un politicien bourgeois de droite, rompu à toutes les manœuvres et les retournements.
Il commença sa carrière politique sous le régime de Pétain, avant de la poursuivre sous la 4e République en étant onze fois ministre. À l’Intérieur en 1954, quand le FLN déclencha l’insurrection algérienne, il déclara : « L’Algérie c’est la France » et mit en œuvre la répression. Garde des Sceaux sous Guy Mollet en 1956, il envoya des dizaines de militants indépendantistes à l’échafaud, dont le communiste Fernand Yveton, condamné à mort pour une bombe qui n’explosa jamais.
Si Mitterrand put faire oublier ce passé de ministre anticommuniste et pro-Algérie française, jusqu’à prétendre incarner la « rupture avec le capitalisme » et devenir le chef de file de toute la gauche, il le dut aux dirigeants du PCF. Dans l’espoir d’être associé au pouvoir, celui-ci mit son poids électoral, au départ quatre à cinq fois plus élevé que celui du PS, au service de l’Union de la gauche. Son crédit auprès des travailleurs et l’énergie de ses militants permirent finalement à Mitterrand de s’installer à l’Élysée.
Le PCF eut des ministres, mais paya au prix fort cette politique en perdant ses électeurs et en décourageant ses militants. Les travailleurs la payèrent plus cher encore. Au pouvoir, le Parti socialiste, avec ou sans le Parti communiste, mena la politique que la bourgeoisie exigeait : accompagner les plans de licenciements, arroser les entreprises de subventions et d’exonérations diverses, nationaliser les secteurs en crise avant de privatiser les plus rentables, bloquer les salaires et dégrader toujours plus les conditions d’accès à la retraite ou aux soins.
En s’en prenant ouvertement au Code du travail, Macron, Valls et Hollande reprennent aujourd’hui jusqu’au langage patronal. Mais ils sont les dignes héritiers d’un Mitterrand qui « réconcilia les socialistes avec la Bourse », selon les mots de feu Bérégovoy, et qui n’hésita pas à faire de l’affairiste Tapie un ministre. Quand Valls stigmatise les Roms ou les migrants, il ne détonne pas par rapport à Édith Cresson, Premier ministre en 1991, ironisant sur l’expulsion « totalement gratuite » des sans-papiers par charters.
À chacun de ses passages au pouvoir, avec Mitterrand, puis Jospin et maintenant Hollande, la gauche a déçu ses électeurs, elle a écœuré une fraction toujours plus large de travailleurs et démoralisé nombre de militants. À ce titre, elle porte une responsabilité écrasante dans la perte de repères au sein des couches populaires et dans la montée du FN.
À l’heure où Hollande s’emploie à brader ce qu’il restait des lointaines origines socialistes du PS, les travailleurs et les militants ouvriers n’ont ni à pleurer sur la dépouille de la gauche ni à invoquer Mitterrand pour la ressusciter. Ils doivent renouer avec la lutte de classe et réimplanter dans la classe ouvrière la conscience qu’elle ne changera la vie qu’en renversant elle-même le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie.