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Leur société
Une mesure au parfum de pétainisme
Le choix de Hollande d’utiliser la déchéance de nationalité pour afficher sa politique renvoie à une histoire marquée par la période de l’occupation allemande, entre 1940 et 1944, pendant laquelle le régime du maréchal Pétain avait retiré leur nationalité à plus de 15 000 personnes en métropole.
Il s’agissait surtout de Juifs, pour qui cela a souvent signifié la déportation et la mort dans les camps. Cette mesure a été aussi utilisée contre des milliers de militants, majoritairement des communistes d’origine italienne ou espagnole, et des gaullistes français partis rejoindre de Gaulle à Londres. Du jour au lendemain, les 110 000 Juifs d’Algérie avaient également perdu leur nationalité française.
Le régime de Pétain avait pu s’appuyer sur une législation issue de mesures exceptionnelles de la Première Guerre mondiale, installées dans la loi en 1927 et durcies en 1938. Ces lois avaient été assez peu utilisées, mais l’avaient été quand même, contre un mineur et syndicaliste actif de la région de Valenciennes, Thomas Olszanski, d’origine polonaise, naturalisé en 1922 et déchu de sa nationalité dix ans après pour « actes contraires à la sûreté intérieure et extérieure de l’État français ». Il avait participé à des grèves et à des manifestations, et écrit dans les journaux communistes. Cela avait permis aux patrons miniers de se débarrasser de lui en obtenant son expulsion vers la Pologne.
La législation sur la déchéance de la nationalité a été remaniée, mais maintenue, après la chute du régime de Pétain. Elle a été certes utilisée pour l’épuration qui visait quelques collaborateurs vichystes, mais aussi, durant la guerre froide, contre des Français binationaux accusés de « se comporter comme des nationaux de pays étrangers », notamment des militants du PCF originaires d’Europe de l’Est. Jusqu’en 1996, se soustraire aux obligations du service militaire pouvait également être un motif de déchéance de la nationalité pour un Français naturalisé.
En 1998, les textes ont été modifiés pour empêcher de transformer un citoyen français en apatride, ce qu’interdit la législation internationale. Mais il reste toujours un article, inutilisé depuis des années, qui permet de déchoir de la nationalité celui qui, même né en France, « se comporte en fait comme le national d’un pays étranger » dont il a aussi la nationalité, et est accusé « d’actes contraires aux intérêts de la France ». Des juristes ont d’ailleurs signalé récemment que Hollande aurait pu utiliser cet article, légèrement modifié, sans avoir besoin de modifier la Constitution. Mais cela aurait été sans doute moins percutant pour sa mise en scène sécuritaire et antiétrangers, destinée à se disputer l’électorat avec la droite et même l’extrême droite.