- Accueil
- Lutte ouvrière n°2472
- Après le deuxième tour des élections régionales
Editorial
Après le deuxième tour des élections régionales
Bien qu’en situation de l’emporter dans au moins trois régions au premier tour, le Front national n’est parvenu à en conquérir aucune au second, le 13 décembre. Comme le montre la participation en hausse, il y a eu, dans toutes les régions, un réflexe de rejet du Front national.
Dans l’éventail des partis bourgeois, le FN est le plus réactionnaire qui soit. Il distille le poison de la division dans le monde ouvrier, et une fraction importante de l’électorat en est consciente.
Parmi ceux qui craignaient que le FN prenne une région, c’est donc un soulagement, mais un soulagement qui risque d’être de courte durée.
Il faudrait être naïf pour croire que la victoire d’Estrosi en PACA ou celle de Bertrand dans le Nord protège les habitants de ces régions des idées crasses du FN. Si le Front national ne l’a pas emporté au second tour, il atteint dans toutes ces régions des scores très élevés.
La montée du FN pèsera sur la vie politique et sociale. D’autant plus que la droite comme le PS en amplifieront la pression, engagés qu’ils sont dans la compétition pour regagner l’électorat du FN, en reprenant son discours sécuritaire et réactionnaire.
Le PS se félicite d’avoir fait barrage au FN en retirant ses listes dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en appelant à voter pour la droite, y compris dans le Grand Est où le notable socialiste avait, contre les consignes du PS, refusé de se faire harakiri. Et tout cela au nom de la défense des valeurs de la République.
Elle est belle, leur République, qui ne laisse à l’électorat que le choix entre la droite et l’extrême droite, c’est-à-dire entre pire et pire encore ! Elle est belle, leur démocratie, où le summum du courage politique est d’abdiquer et de renier ses idées !
Même la direction du PC s’est couchée devant les hommes de droite. Pendant des années, elle a expliqué qu’il fallait à tout prix « battre la droite ». En 2012, pour battre Sarkozy, elle a appelé à voter Hollande au second tour de la présidentielle. Et voilà qu’elle vient de contribuer à faire élire un Estrosi et un Bertrand, deux hommes de droite parmi les plus détestables.
Et faut-il rappeler que la gauche gouvernementale avait déjà appelé à voter Chirac en 2002, en brandissant la nécessité de faire barrage à Le Pen, qui n’avait pourtant, à l’époque, aucune chance d’être élu ?
De trahison en abdication, la gauche a fini par déboussoler et écœurer son propre électorat. Une majorité de cet électorat populaire a pris l’habitude de se réfugier dans l’abstention. Mais une minorité croissante a remplacé ses illusions dans les partis de gauche par celle, plus grave, du FN.
Le Front national se pose en alternative, alors qu’il n’a rien d’autre à vendre, comme programme politique, que son chauvinisme, sa haine de l’étranger et ses préjugés crasses. Pour le reste, il aspire, comme les autres, à gouverner pour le compte du grand patronat et des banquiers. Car, malgré ses slogans démagogiques en direction des travailleurs, il est d’abord et avant tout un défenseur de l’ordre bourgeois.
Un des pires poisons que la gauche gouvernementale a distillés depuis des décennies parmi le monde du travail, c’est l’espoir qu’il peut changer sa vie en votant bien. Là est la tromperie fondamentale. Le sort des travailleurs ne dépend pas des pantins que les exploités ont le droit d’élire et qui s’agitent sur le devant de la scène politique. Il dépend du pouvoir de la grande bourgeoisie, de ceux qui détiennent le capital et dominent la vie économique.
Les partis qui ne combattent pas cet ordre social, le pouvoir du grand patronat et de la finance, ne peuvent que trahir les promesses qu’ils font aux classes populaires. C’est ainsi depuis toujours et ça l’est plus encore en cette période de crise de l’économie capitaliste, où cette minorité ne peut prospérer qu’en poussant encore plus les exploités dans la pauvreté.
Alors, il n’y a ni à se réjouir ni à s’attrister de ce énième épisode électoral. La force des travailleurs n’est pas dans les urnes, mais sur le terrain, dans les entreprises qu’ils font fonctionner, dans les quartiers populaires. Leur sort ne dépend pas de résultats électoraux, mais de leur capacité à se battre collectivement avec leurs armes de classe, les grèves et les manifestations.
Individu par individu, et même entreprise par entreprise, les travailleurs ne font pas le poids face à la puissance du grand capital. Tous ensemble, ils représentent une force invincible. Mais ils ne peuvent se battre efficacement que s’ils rejettent toute illusion dans les politiciens de la bourgeoisie et s’ils savent clairement qui sont leurs ennemis, même lorsqu’ils se déguisent en faux amis. C’est de cette prise de conscience des travailleurs que dépend leur capacité à se défendre contre les attaques de la grande bourgeoisie et à mettre fin au règne du capital.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 14 décembre 2015