Grande-Bretagne : intoxication sécuritaire09/12/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/12/2471.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : intoxication sécuritaire

Le Premier ministre conservateur Cameron a eu le feu vert du Parlement pour étendre les bombardements britanniques à la Syrie. Mais, malgré la campagne hystérique déclenchée dans les médias au lendemain des attentats de Paris, ce feu vert n’aura pas été aussi massif qu’il l’espérait.

Sans doute a-t-il obtenu 397 voix pour l’extension. Mais 223 députés ont quand même voté contre et 14 se sont abstenus, dont 14 défections dans son propre parti. On est donc très loin des 524 votes que Cameron avait obtenus pour aller bombarder l’Irak.

En fait Cameron n’aura finalement pas réussi à rallier autant de députés de l’opposition travailliste qu’il aurait souhaité. Tout juste 30 % d’entre eux auront voté avec le gouvernement.

Le fait est notable car la quasi-totalité des députés travaillistes avaient voté pour les bombardements en Irak en août 2014 mais aussi, en remontant plus loin, pour l’occupation de ce pays. Mais il faut croire que l’hostilité d’une grande partie de l’opinion populaire aux bombardements – et les manifestations devant leurs permanences locales – aura retenu les élans guerriers de ces députés.

Cette hostilité populaire était déjà tangible depuis que le gouvernement avait annoncé une rallonge de plusieurs dizaines de milliards des dépenses militaires – officiellement pour garantir la « sécurité nationale face au terrorisme ». Mais il n’avait échappé à personne que ces sommes colossales devaient servir à financer un nouveau système de missiles nucléaires et des bombardiers – de quoi garantir la sécurité des dividendes des actionnaires des trusts de l’armement, mais pas autre chose ! Et beaucoup s’étaient indignés de ce que, dans le même temps, Cameron ose continuer à tailler brutalement dans les budgets sociaux sous prétexte de réduire son déficit.

Du coup, le gouvernement et les médias joignent leurs efforts pour tenter de créer un climat d’insécurité susceptible de renverser l’opinion, en montant en épingle le moindre fait divers. Ce que les autorités appellent désormais l’« attentat terroriste de Leytonstone » est un exemple typique de cette intoxication.

Le 5 décembre, un jeune homme d’origine somalienne faisait irruption en gesticulant furieusement dans le hall de cette station de métro de l’est londonien. Il sortait un couteau et, prononçant des cris indistincts parmi lesquels certains crurent entendre le mot « Syrie », s’attaquait à trois personnes sous le nez de policiers. Aussitôt les autorités parlèrent d’« attentat terroriste » – qualification prétendument confirmée par la découverte de « vidéos djihadistes » sur son téléphone portable.

Après cela, les déclarations officielles sur le danger terroriste sont passées en boucle à la télévision. Et le lendemain, la quasi-totalité de la presse paraissait avec des manchettes sur le « djihadiste de Leytonstone » tout en spéculant sur ses liens avec Daech.

Il y a néanmoins une information que les plumitifs au service du pouvoir se sont bien gardés de diffuser, bien qu’elle ait été donnée dès le début de cette affaire par la chaîne de télévision publique Channel 4 : ce jeune homme avait été soigné depuis 2007 pour des crises de paranoïa, mais n’était plus suivi depuis plusieurs mois parce que les services sanitaires de sa municipalité manquaient de personnel.

Mais qu’importe. Pour l’instant, le « terroriste » de Leytonstone sert bien la campagne d’intoxication du gouvernement. Et puis, la dernière chose que Cameron souhaite, c’est que soient mises en lumière les conséquences de sa politique criminelle, y compris en Grande-Bretagne.

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