D’al-Qaïda à Daech : les monstres et ceux qui les ont créés18/11/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/11/2468.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

D’al-Qaïda à Daech : les monstres et ceux qui les ont créés

« D’où vient l’État islamique ? Qui est cet ennemi qui a déclenché la guerre à la France ? », s’interrogeait Le Monde au lendemain des attentats du 13 novembre. Il s’agit de « Fous de dieu » renforcés par la guerre entre les deux principales forces confessionnelles de l’islam, sunnites contre chiites, concluait le journal, écartant ainsi la responsabilité des pays impérialistes. Ce sont pourtant leurs interventions aux quatre coins de la planète, et en particulier au Moyen-Orient, et ce depuis des décennies, qui sont responsables du chaos dans lequel ces milices djihadistes prospèrent.

Celles regroupées au sein de l’État islamique, ou Daech en arabe, se sont développées en Irak, après la guerre déclenchée par les États-Unis en 2003, et durant les années d’occupation qui suivirent, en lien avec bien d’autres dont celles d’al-Qaïda. Dans ce pays dont la population est composée d’Arabes chiites, sunnites, de Kurdes, et de quelques autres communautés, chrétiennes, Yazidis et autres, qui ont longtemps vécu ensemble, la politique des armées d’occupation fut de dresser entre ces différents groupes des barrières là où elles n’existaient pas.

L’Irak sous occupation, un vivier pour Daech

Les États-Unis et leurs alliés impérialistes créèrent en particulier une situation d’affrontement entre milices sunnites et chiites, en s’appuyant tantôt sur les unes, tantôt sur les autres, pour reconstituer un appareil d’État à la place de celui de Saddam Hussein. Le mécontentement suscité par l’occupation impérialiste, alimenté par les exactions des armées, permit ensuite à toutes ces milices de recruter.

Dès juillet 2011, fuyant l’Irak, les groupes de l’État islamique en Irak et au Levant, qui devint ensuite l’État islamique, EI, rejoignirent la Syrie au moment où la contestation du régime de Bachar al-Assad débouchait sur une guerre entre cliques militaires. Elles y trouvèrent un nouveau terrain de recrutement, d’entraînement, et d’action.

L’impérialisme américain laissa ses alliés régionaux agir. Les États du Golfe et en particulier l’Arabie saoudite et le Qatar, hostiles au régime d’Assad, considéré comme un rival, fournirent aux milices de l’EIIL, entre autres, de l’argent et des armes. De son côté, la Turquie d’Erdogan leur offrit des facilités pour s’entraîner sur son sol et pour s’infiltrer en Syrie par la longue frontière séparant les deux pays.

Les États-Unis, mais aussi la France, ne voulaient certes ni d’une victoire d’Assad ni d’une victoire des milices islamistes qui aurait conduit à l’installation à Damas d’un régime incontrôlable. Ils estimèrent plus habile de continuer à aider les milices suffisamment pour gêner Assad mais sans les renforcer au point qu’elles gagnent. Le seul résultat fut la prolongation de la guerre et de ses destructions.

C’est après s’être renforcé en Syrie dans la guerre contre Assad que l’EIIL put investir de nouveau l’Irak et déstabiliser son gouvernement, mis en place par les autorités d’occupation américaines. Le développement de l’EI avait donc été favorisé matériellement par les États-Unis et leurs alliés dans la région, et politiquement par les dix années de guerre et d’occupation impérialistes. Mais la créature échappait dorénavant à ses créateurs.

Les forces les plus réactionnaires favorisées par l’impérialisme

Cette politique consistant à diviser pour régner et à s’appuyer sur les forces les plus rétrogrades, les puissances impérialistes l’ont toujours menée, et partout, pour maintenir leur domination politique et économique, quel que soit le prix à payer pour les populations.

Au Moyen-Orient, pendant un temps, les dirigeants impérialistes ont dû composer avec des régimes d’inspiration nationaliste comme l’Égypte de Nasser, l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie des Assad père et fils. Mais ils ont aussi saisi les occasions de les affaiblir, voire d’intervenir pour les remplacer par des régimes plus dociles, en soutenant les mouvements les plus réactionnaires.

Ainsi en Égypte, dans la période qui suivit la Seconde Guerre mondiale, alors que les masses se tournaient plutôt vers les nationalistes comme Nasser, les représentants américains, désireux de contrebalancer son influence, ainsi que celle des forces de gauche, et en particulier des communistes, soutinrent les courants fondamentalistes des Frères musulmans. Ceux-ci furent aussi aidés par les monarchies du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite, ce régime moyenâgeux basé sur les courants religieux les plus réactionnaires, qui prêchent un islam ultra-traditionaliste, dit wahhabite, mais qui est l’allié des puissances impérialistes, des États-Unis à la France.

En Afghanistan en 1979, le président américain de l’époque, Jimmy Carter, décida de soutenir une guérilla musulmane intégriste pour combattre le gouvernement afghan allié de l’URSS. Puis, après l’invasion du pays par l’armée russe, le gouvernement américain, aidé par le roi saoudien, finança des milices intégristes, telles celle d’un certain Oussama Ben Laden. Ces combattants répandirent ensuite l’intégrisme dans les camps d’entraînement établis au Pakistan. Les États-Unis contribuèrent donc en sous-main à transformer l’Afghanistan en centre de formation pour les djihadistes du monde entier.

Ben Laden, une créature de la CIA

En 1987, Ben Laden fonda al-Qaïda et participa à la guerre civile afghane, toujours avec le soutien de la CIA. Mais dix années plus tard, Ben Laden, qui soutenait le régime des talibans parvenus au pouvoir, décida de se retourner contre son créateur, en quelque sorte, en déclenchant une série d’attentats contre les États-Unis, dont celui du 11 Septembre 2001 qui fit de lui le chef de la mouvance djihadiste internationale.

Trois semaines après les attentats, les États-Unis ripostaient en intervenant en Afghanistan contre les talibans accusés d’abriter Oussama Ben Laden. Puis, profitant de l’émotion suscitée par les attentats du 11 septembre, le président américain Bush se lançait en mars 2003 dans une nouvelle guerre en Irak contre le régime de Saddam Hussein – après celle des années 1990 – qui eut comme conséquences l’éclatement de l’Irak, la montée des milices intégristes sunnites et chiites, et avec la guerre civile en Syrie, le développement de l’État islamique dans toute la région.

Comme l’avait déclaré l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin, au moment de la décision prise par Hollande de lancer les frappes aériennes en Irak en septembre 2014, « une nouvelle guerre en Irak est absurde et dangereuse. (...) Il serait temps que les pays occidentaux tirent les leçons de l’Afghanistan. Il y avait en 2001 un foyer de terrorisme. Aujourd’hui il y en a une quinzaine. Nous les avons multipliés. (...) Combien de terroristes allons-nous créer ? » Villepin est assurément un serviteur des intérêts de l’impérialisme français, mais son constat visant à proposer d’autres choix politiques était juste.

Le développement des milices djihadistes, en particulier l’État islamique, est un résultat des multiples interventions impérialistes.

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