Calais : la situation des réfugiés empire18/11/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/11/2468.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Calais : la situation des réfugiés empire

La nuit du 13 au 14 novembre, la nuit des attentats de Paris, une partie de la « Jungle », le bidonville de Calais où vivent les réfugiés, a brûlé, suscitant les pires rumeurs.

Cet incendie accidentel s’est propagé facilement aux tentes et cabanons, à la faveur d’un vent violent, et a laissé ses habitants encore plus démunis. Les policiers présents ont bouclé le périmètre et ont vérifié que personne n’était resté bloqué à proximité de l’incendie. « On se prend à rêver que le rôle des fonctionnaires soit effectivement de veiller à la sécurité des personnes », a dit un militant humanitaire.

Mais, à Calais, le déploiement policier, renforcé depuis la venue du ministre de l’Intérieur Cazeneuve, est avant tout là pour la répression. Les pouvoirs publics se sont vantés d’avoir fait baisser le nombre d’habitants de la Jungle de 6 000 à 5 000. Pour désengorger Calais, le ministre avait proposé aux volontaires des centres de répit, censés leur donner un temps de repos et de réflexion pour qu’ils choisissent de demander l’asile en France. Mais ces lieux improvisés se révèlent être des endroits fermés et isolés, sans aucun accompagnement ni perspective, et le nombre de volontaires pour partir s’est vite tari.

Alors, pour remplir les quotas, des migrants ont été raflés au hasard. Des cars les embarquent de force ; ils sont séparés parfois de leurs enfants, expédiés en centres de rétention à l’autre bout du pays ; certains ne donnent plus de nouvelles, renvoyés dans leur pays ou dans le pays traversé où ils ont en premier subi un contrôle d’empreintes. La plupart sont relâchés, puis reviennent à Calais, parfois plusieurs fois.

Les mesures d’ordre sanitaire décidées par le ministre sont dérisoires et sans effet immédiat. Or, avec le froid et la pluie, et l’hiver qui approche, l’insalubrité ne fait qu’augmenter et multiplier les maladies, qui sont les maladies de la misère et de la précarité, la gale, les dermatoses, auxquelles s’ajoutent les traumatismes et le stress.

À la télévision, le responsable de Médecins du Monde, Jean-François Corty, a stigmatisé l’attitude des pouvoirs publics qui ne répond pas à l’urgence de la situation : « Des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants vivent dehors ; si la sixième puissance du monde qu’est la France doit mettre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour les mettre à l’abri, nous n’avons pas la même conception de l’urgence ». La réponse de l’État est tombée vendredi 13 novembre : il fait appel de sa condamnation à aménager la Jungle, décision de justice qui lui enjoint d’y ajouter des robinets et des latrines, et d’identifier les jeunes isolés. L’État estime que la situation des migrants « ne résulte pas d’une carence » de sa part !

Ainsi le gouvernement socialiste laisse pourrir une situation inextricable. À force d’avoir multiplié barrières et contrôles en tous genres, il a rendu quasi hermétique le passage entre France et Angleterre, et la chance de passer s’amoindrit de jour en jour. Après un parcours de milliers de kilomètres, à deux pas de la Grande-Bretagne où ils ont souvent de la famille ou des amis, les migrants sont condamnés à croupir dans cette impasse qu’est devenu Calais.

Trois nuits de suite entre le 8 et le 11 novembre, CRS et migrants se sont affrontés aux abords de la Jungle, les gaz lacrymogènes répondant aux jets de pierre. Les migrants bloquaient la rocade portuaire afin de créer un bouchon leur permettant de grimper dans les camions à destination de l’Angleterre. Interviewé, le porte-parole du ministère de l’Intérieur a reconnu la « détresse des réfugiés… qui n’ont plus de solution ». Mais pour expliquer leurs offensives nouvelles contre la police, point n’est besoin, comme il l’a fait, d’aller chercher une prétendue manipulation d’activistes. Quant aux passeurs incriminés, ils n’existeraient pas si les réfugiés pouvaient passer librement.

C’est d’abord le désespoir des migrants, qui veulent passer coûte que coûte, qui les pousse à ces affrontements et ce sont les États français et britannique les responsables de cette violence.

Il faut ajouter que les attentats de Paris ont encore tendu l’ambiance dans la Jungle. Les réfugiés de Calais ont souvent fui des horreurs similaires perpétrées dans leur propre pays et ils étaient nombreux à dénoncer le carnage avec les bénévoles, affirmant leur solidarité avec les proches des victimes. Mais en même temps, ils ne peuvent que ressentir la pression qui les entoure, et craignent d’être assimilés aux terroristes, comme le font certains commentaires émanant de la droite ou de l’extrême droite.

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