Évasion fiscale : les milliards peuvent migrer librement04/11/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/11/2466.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Évasion fiscale : les milliards peuvent migrer librement

Quatre organisations non gouvernementales ont publié un nouveau rapport concernant quinze pays européens, intitulé « 50 nuances d’évasion fiscale ». Pour l’absence de lutte efficace et le manque de transparence, la France est bien placée au palmarès.

Après avoir pris quelques mesures pour exiger des banques qu’elles publient des informations sur leurs bénéfices, les impôts payés et les subventions reçues, le gouvernement français a freiné des quatre fers. Il a adopté, selon le rapport, « une approche de plus en plus favorable aux entreprises : explosion des crédits d’impôt et promotion d’accords fiscaux confidentiels » : ce n’est pas une révélation mais un bilan chiffré éclairant.

Les incitations fiscales aux entreprises coûtent au budget de l’État plus de 84 milliards d’euros par an, quasiment le budget total de l’Éducation. La plus grande perte de revenus est due au crédit compétitivité et emploi (CICE) : 12,5 milliards d’euros, soit à peu près le déficit de la Sécurité sociale. En 2014, les revenus de l’impôt sur les sociétés ont baissé de 36,7 %, pendant que ceux de la TVA et de l’impôt direct ont augmenté de 5 milliards. Le crédit impôt recherche (CIR) coûtera, en 2015, 1,5 fois le budget alloué au Centre national de la recherche scientifique : il a profité à des entreprises comme le trust pharmaceutique Sanofi ou Renault, qui n’ont presque pas, ou pas du tout, recruté de chercheurs. Au passage, le rapport signale qu’une enquête commandée par le Sénat sur les abus flagrants de CIR ne sera finalement pas publiée.

Le gouvernement engraisse les entreprises aux dépens de la population, en France et même dans le monde, puisque les conventions fiscales passées avec des pays pauvres où s’installent des entreprises françaises limitent, plus que celles d’autres pays européens, leurs droits à taxer ces sociétés. Quant à la transparence, il n’est pas question d’établir et encore moins de rendre public un registre des données concernant l’activité des multinationales, leurs bénéfices, leurs filiales y compris offshore, leurs impôts, etc.

Évasion fiscale, optimisation fiscale grâce aux cadeaux gouvernementaux, dissimulation de l’identité réelle des propriétaires derrière de multiples sociétés écrans, sans compter les piliers du système capitaliste que sont le secret industriel et le secret bancaire : les possédants ont un arsenal à leur disposition. Et les semblants de contrôle, montés en épingle par les gouvernements à la recherche d’un peu de revenus et de publicité, n’y changent rien.

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