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- Lutte ouvrière n°2466
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Côte d’Ivoire : une grève militante
Alors que se déroulait la campagne des élections du 25 octobre en Côte d’Ivoire, une grève dans le secteur du bâtiment et des travaux publics était durement réprimée. Comme l’écrivent nos camarades de l’Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI-UCI) dans leur journal Le Pouvoir aux travailleurs : « L’État ivoirien a démontré que, lorsque les travailleurs luttent pour leur dignité et revendiquent des améliorations de leurs conditions d’existence, il se place toujours du côté des exploiteurs. »
« Soroubat est une entreprise de travaux publics. Comme tant d’autres exploiteurs, aussi bien dans les zones industrielles de Vridi et de Yopougon que dans le secteur du bâtiment, le patron se croit tout permis quand il s’agit d’exploiter les travailleurs. Il emploie des travailleurs au noir et ne respecte pas le salaire légal défini pour ce secteur. Il paie sans bulletin de salaire et ne déclare pas les travailleurs. Les normes de sécurité ne sont pas respectées sur les chantiers. Les ouvriers sont obligés de faire des heures supplémentaires.
Ce patron est d’autant plus arrogant qu’il a la certitude de l’appui des autorités politiques. Il renvoie les travailleurs comme bon lui semble. Mais le dernier licenciement abusif dans le chantier de construction d’un pont à Angré a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette mesure a déclenché la colère longtemps retenue des travailleurs qui, alors qu’ils étaient en train de terminer le pont, se sont mis en grève et ont bloqué le chantier. Ils ont alors choisi leurs représentants pour aller expliquer au patron qu’ils ne reprendraient le travail que si leur camarade était réintégré à son poste.
La direction de Soroubat, peu habituée à ce que les ouvriers lui tiennent tête, a aussitôt licencié cette délégation. Le patron pensait certainement que les travailleurs allaient se calmer, mais c’était mal évaluer la colère qui couvait depuis le démarrage du chantier.
Au nombre de 150 sur ce chantier, les travailleurs se sont alors organisés pour mettre en place des piquets de grève présents 24 heures sur 24, pour empêcher toute activité, y compris le déplacement du matériel roulant. Ils ont exigé la réintégration de leurs camarades renvoyés. Ils ont saisi aussi cette occasion pour ajouter une liste de revendications relatives à leurs conditions de travail, le paiement des arriérés de salaire et des indemnités.
Pour renforcer leur mouvement, ils ont aussi entraîné dans la grève les autres chantiers de Soroubat, où les travailleurs sont eux aussi confrontés aux mêmes problèmes. Il s’agit du chantier PK 24 à Yopougon (qui emploie environ 200 ouvriers) ainsi que ceux de Bassam, de Koumassi, de Taabo et de Yamoussoukro. Tous ces chantiers ont rejoint le mouvement ; soit au total plus de 500 travailleurs en grève.
L’État, avec son administration civile et militaire, a pris fait et cause pour le patron. Des délégués des travailleurs ont été convoqués à la Brigade de recherche et maintenus tout un jour dans leurs locaux. La police avait pour objectif de faire pression sur ces délégués pour qu’ils appellent leurs camarades à reprendre le travail, sous prétexte que leur grève est « illégale ». Mais cette menace n’a pas impressionné les grévistes ; ils étaient déterminés. La police a alors monté la pression d’un cran en mettant sous les verrous cinq travailleurs pris dans trois différents chantiers.
C’est devant cette situation que les travailleurs, réunis en assemblée générale, ont décidé de reprendre provisoirement le travail en espérant qu’en contrepartie leurs camarades emprisonnés seraient libérés. Pour l’instant, ceux-ci sont toujours en prison sans avoir été jugés. Mais les travailleurs ne se sentent pas battus pour autant. Ils sont au contraire fiers d’avoir réussi à mettre en place une organisation soudée et efficace et d’avoir relevé la tête. Des collectes ont été faites pour aider les familles de leurs frères emprisonnés et pour qu’ils aient à manger dans leurs lieux de détention. Un avocat a été contacté pour les défendre devant les juges. Et ils n’ont pas dit leur dernier mot sur une reprise éventuelle de la lutte car ils tiennent à défendre leurs droits. »