- Accueil
- Lutte ouvrière n°2462
- Air France : la direction tombe le masque… et la chemise
Leur société
Air France : la direction tombe le masque… et la chemise
Lundi 5 octobre, les images du DRH d’Air France, chemise arrachée avec sa cravate autour du cou, escaladant un grillage, ont tourné en boucle sur toutes les télévisions. Les déclarations pour s’indigner de tels incidents n’ont pas manqué. Valls, le Premier ministre, s’est dit « scandalisé par les violences inacceptables », exprimant tout de suite « son soutien à la direction d’Air France ». Hollande a qualifié d’inacceptable ce qui s’est passé, tandis que la presse se déchaînait contre les salariés en colère. La photo du DRH, escaladant la grille torse nu, a fait le tour du monde. Tous s’indignent de cette chemise déchirée, la direction a annoncé qu’elle porterait plainte et on parle de licenciements disciplinaires. Mais tout ce monde-là oublie de s’indigner de ce qui est à la source de la colère des salariés : le chantage honteux fait par la direction d’Air France, et la menace de 2 900 suppressions d’emplois.
Ce lundi 5 octobre, de nombreux syndicats d’Air France, SUD, FO, CGT, Unsa, ainsi que les organisations syndicales de pilotes, d’hôtesses et de stewards avaient appelé à une journée de mobilisation. Malgré la campagne orchestrée par la direction et accentuée par la presse visant à diviser les travailleurs, en opposant personnel au sol, personnel navigant et pilotes, c’est plus de mille, peut-être deux mille travailleurs, toutes catégories confondues, qui étaient au coude-à-coude lors de ce rassemblement. Beaucoup se sont invités dans le bâtiment où se tenait le comité central d’entreprise, interrompant celui-ci pour protester contre l’annonce de la suppression de près de 3 000 postes de travail, sur les quelque 52 500 que comptait l’entreprise fin 2014. Ensuite, près de 1 500 travailleurs se sont encore rendus en manifestation à l’aéroport Charles-de-Gaulle 2, où les CRS les ont accueillis avec des grenades lacrymogènes.
La direction présente ces nouvelles suppressions d’emplois comme une réponse aux syndicats de pilotes qui n’ont pas obtempéré à ses injonctions de signer, avant la fin septembre, son plan d’austérité. En réalité, ce plan Perform 2020 est la poursuite du plan Transform 2015, qui s’est déjà traduit par la suppression de 8 000 emplois, une intensification de la charge de travail, de la flexibilité et un blocage des salaires depuis quatre ans pour toutes les catégories de personnel. La direction poursuit cette politique en y ajoutant un chantage auprès des pilotes : soit ils acceptent des heures de vol supplémentaires sans augmentation de salaire, ce que les syndicats estiment à deux mois de travail gratuit, avec en prime des temps de repos en escale réduits et une amputation des jours de repos, soit la direction taille encore dans les effectifs en fermant des lignes long courrier et en réduisant la fréquence d’autres lignes.
La direction espère ainsi instaurer un climat de crainte généralisée, monter les autres travailleurs contre les pilotes, en présentant ces mesures comme des représailles suite à leur attitude. Mais en réalité, tout le monde est dans le collimateur puisqu’il est question de faire disparaître, y compris par des départs contraints, plusieurs milliers de postes aussi bien parmi le personnel navigant que parmi celui au sol.
La direction use d’une vieille ficelle qui consiste à diviser les salariés en s’en prenant aux pilotes, présentés comme des égoïstes ne voulant pas rogner leurs prétendus privilèges. Elle bénéficie du soutien du gouvernement qui, comme l’a déclaré Macron, soutient les « réformes » de l’entreprise. Sapin, le ministre des Finances, s’en est pris à « une minorité », les pilotes, qui « par ses visions purement individuelles et corporatistes peut mettre en danger l’ensemble ». À l’unisson avec Juppé, qui a appelé les pilotes à prendre leurs responsabilités, Valls a estimé que « tout le monde doit faire des efforts, et bien sûr les pilotes au premier chef ». Tous relaient complaisamment la propagande du PDG d’Air France-KLM et appuient une attaque qui mérite une riposte de tous les travailleurs d’Air France.
Le rassemblement du 5 octobre a montré que le matraquage de la direction n’a pas empêché de nombreux travailleurs, toutes catégories confondues, de manifester leur colère contre ce énième plan d’austérité. C’est un encouragement pour les travailleurs et ce qui est arrivé au DRH est bien loin de semer la consternation dans les ateliers et hangars, où l’on commence à entendre chanter : « Tomber la chemise... ».