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- Lutte ouvrière n°2459
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Leur société
La réforme du Code du travail et les centrales syndicales : qui ne dit pas grand-chose, consent
Il est manifeste que les confédérations syndicales ne sont pas pressées d’organiser la défense du monde du travail, alors qu’une attaque de grande envergure est ouvertement en préparation.
Lors de sa conférence de presse du 7 septembre, Hollande a confirmé son intention d’« adapter le travail à la réalité des entreprises », c’est-à-dire aux désirs des patrons. Deux jours après, le rapport Combrexelle préconisait que des accords d’entreprise remplacent la loi pour définir les conditions de travail, les salaires, l’emploi, toute la vie des travailleurs dans l’entreprise, partout où le patron trouvera des syndicats majoritaires pour signer. Le Code du travail, cette bête noire des patrons, ne fera plus la loi : il ne s’appliquera plus qu’à la marge.
Il s’agit d’une régression considérable dans une situation où le rapport de force entre la classe ouvrière et le patronat est défavorable. Les dérogations aux dispositions générales s’appliquant à tous sont déjà très nombreuses ; elles sont désormais érigées en principes, démolissant d’un coup ce qui restait encore comme protections s’appliquant à l’ensemble des travailleurs.
Il faut bien reconnaître que cette perspective de négociations tous azimuts et à tous les niveaux a de l’attrait pour un certain nombre de responsables syndicaux. Ainsi, les dirigeants de la CFDT se sont immédiatement félicités que le rapport Combrexelle « reprend l’analyse de la CFDT » et « propose une réflexion intéressante sur les évolutions du droit du travail ». Pour la CFDT il s’agit de « construire des normes au plus près du lieu où les droits vont s’exercer ». Cela n’empêche pas son secrétaire général, Laurent Berger, d’affirmer, la main sur le cœur : « À la CFDT, on ne signera jamais un accord qui fait perdre des droits aux salariés. » Il a même fixé des « lignes rouges » : le temps de travail, le smic et le contrat de travail. Mais il « ne ferme pas la porte à ce qui est finalement peut-être un progrès pour la démocratie sociale ». Avec de telles déclarations, les dirigeants de la CFDT se situent directement dans le camp du patronat et du gouvernement.
L’UNSA a à peu près la même position. Elle constate « que la logique générale du rapport, mettant au cœur la négociation collective et son développement, va dans le sens de ses préoccupations », mais tient à préciser que « cela ne signifie pas un accord complet avec l’intégralité du rapport et de ses propositions ».
Le ton de Jean-Claude Mailly, pour FO, n’est pas aussi enthousiaste mais à peine plus critique. « Personne n’a démontré que la dérégulation du Code du travail créait de l’emploi », comme si c’était là l’objectif du gouvernement. « Le rapport Combrexelle ne remet nullement en cause les dérives de ces dernières années », dit-il encore, comme s’il s’agissait de rappeler à l’ordre le patronat et non pas de lui offrir un boulevard pour bien d’autres « dérives ». Il y voit aussi « de nombreux trous dans le gruyère ». Mais il se dit prêt à participer à la concertation sur le futur projet de loi.
Inutile de dire que les travailleurs ne pourront pas compter sur ces dirigeants pour se défendre, uniquement préoccupés qu’ils sont d’aller s’asseoir aux tables de négociations.
Quant à la CGT, elle affirme que « ce qui gêne la lisibilité du Code du travail, c’est avant tout la multitude de dérogations qui ont été imposées au cours des années par les employeurs », et de s’indigner : « Et François Hollande voudrait faire de ces dérogations la règle ! » Reconnaissant à juste titre que « salariés et employeurs ne sont pas à égalité dans l’entreprise », la CGT n’est toujours pas réellement mobilisée contre cette attaque en règle. Par contre elle exhorte le gouvernement : « Il est temps que nos gouvernants arrêtent de jouer les illusionnistes en inventant une réalité qui n’existe pas. »
Mais, contrairement à ce que veut faire croire la CGT, le gouvernement la connaît très bien la réalité : c’est en connaissance de cause qu’il veut laisser les accords d’entreprise prendre le pas sur la loi. Il sait fort bien que ce sont les patrons qui imposeront ainsi leur volonté avec la complicité de responsables syndicaux si la classe ouvrière ne s’en mêle pas.
Pour l’instant ce sont les centrales syndicales qui jouent les illusionnistes, en tentant de faire croire aux travailleurs que le gouvernement ne sait pas ce qu’il fait, et pire encore en prétendant que, grâce à la capacité de négocier des responsables syndicaux, la grande concertation proposée par le gouvernement pourrait être favorable aux salariés, alors même qu’il s’agit de la pire attaque de ces dernières décennies.
Il faudra donc bien que les travailleurs s’organisent sans ces faiseurs d’illusions s’ils veulent créer un rapport de force qui oblige gouvernement et patronat à reculer.